Notre journaliste dresse la liste des 10 longs métrages qu'il retiendra de l'année cinéma 2018.

Roma d'Alfonso Cuarón (Mexique)

Voilà le plus beau film de l'année. Et de loin. Depuis le lancement de Roma à la Mostra de Venise, où il a obtenu le Lion d'or, l'automne a été marqué par les dithyrambes des professionnels du cinéma et l'anticipation des cinéphiles à l'égard de ce film pas comme les autres. En s'inspirant de ses souvenirs d'enfance, le cinéaste mexicain nous offre son film le plus accompli, sur tous les plans. Financé par le diffuseur en continu Netflix, Roma force cependant l'industrie du cinéma à revoir tout son écosystème au chapitre de la distribution en salle.

Cold War de Pawel Pawlikowski (Pologne)

Coïncidence, le dauphin de Roma sur cette liste est un autre film en noir et blanc. Lancé au Festival de Cannes, où il a obtenu le prix de la mise en scène, Cold War est un drame romantique qui, comme son titre l'indique, se déroule à une époque où le rideau de fer devient de plus en plus étanche. Au-delà de l'histoire, inspirée de celle des parents du cinéaste, ce film remarquable se distingue aussi grâce à sa mise en scène, maîtrisée de bout en bout, son aspect musical très éclectique, ainsi que son approche romanesque assumée. Lauréat de cinq trophées aux Prix du cinéma européen, Cold War (à l'affiche chez nous le 11 janvier) sera probablement le plus sérieux rival de Roma aux Oscars.

Jusqu'à la garde de Xavier Legrand (France)

Un couple « ordinaire » divorce. Des accusations de violence sont portées par la conjointe (Léa Drucker). Au milieu de la dispute, l'enfant ne sait plus trop comment agir devant ce père colosse (Denis Ménochet), qui a du mal à gérer ses colères, mais qui peut aussi se montrer affectueux. L'effet est d'autant plus saisissant - et terrifiant - que Xavier Legrand maintient une tension constante, sans jamais recourir à des effets dramatiques inutiles.

You Were Never Really Here de Lynne Ramsey (Royaume-Uni et États-Unis)

Lancé au Festival de Cannes en 2017, mais sorti en Amérique du Nord seulement cette année, le plus récent film de Lynne Ramsay est virtuellement absent de la saison des remises de prix. Ce rejet est quand même étonnant, d'autant que la mise en scène de ce film dérangeant - sorte de Taxi Driver moderne - est éblouissante, et que Joaquin Phoenix y offre une performance incandescente, qui lui a d'ailleurs valu un laurier sur la Croisette.

Isle of Dogs de Wes Anderson (États-Unis)

Le film d'animation de Wes Anderson, le deuxième du réalisateur de The Grand Budapest Hotel après Fantastic Mr. Fox, est une fable animalière délicieuse qui aborde des thèmes sérieux et actuels, qui font bien sûr écho aussi à nos comportements humains en cette époque pour le moins troublée. C'est vif, intelligent, original, bref, c'est du Wes Anderson !

The Favourite de Yórgos Lánthimos (Irlande, Royaume-Uni)

Le cinéaste grec Yórgos Lánthimos a cette extraordinaire capacité de faire exister le tragique et le loufoque dans une même scène. Et il a eu le flair de faire appel à Olivia Colman, Rachel Weisz et Emma Stone pour interpréter un trio de choc à la cour de la reine Anne de Grande-Bretagne. The Favourite se distingue avant tout grâce à son style, sa mise en scène, très fébrile, ses angles de caméra inusités, sa direction artistique somptueuse, ainsi que par la qualité de ses dialogues et l'humour qui en émane. Du grand art.

First Man de Damien Chazelle (États-Unis)

Miné par une polémique lancée par des politiciens qui ont reproché à cette oeuvre une absence de patriotisme avant même de l'avoir vue, le plus récent film de Damien Chazelle (Whiplash, La La Land) méritait sans contredit un meilleur sort. Au récit héroïque pompeux à la gloire du savoir-faire américain, Chazelle préfère une autre approche, celle du portrait intime. Il colle ainsi davantage à la personnalité de Neil Armstrong, homme discret qui a inscrit son nom dans l'histoire en devenant le premier être humain à marcher sur la Lune, et dont on suit aussi la quête intérieure.

Chien de garde de Sophie Dupuis (Québec)

Il y avait longtemps que nous avions vu un premier long métrage aussi percutant au Québec. D'entrée de jeu, Sophie Dupuis impose un ton, un style, en faisant écho à la dynamique qui caractérise la relation entre JP (Jean-Simon Leduc) et son frère cadet Vincent (Théodore Pellerin). À l'aide d'une caméra nerveuse (mais jamais hystérique), la réalisatrice propose une mise en scène au service des personnages, tous magnifiquement dessinés et interprétés. Rappelons qu'au Gala Québec Cinéma, Chien de garde a valu à Maude Guérin l'Iris de la meilleure actrice et à Théodore Pellerin, celui de la révélation de l'année.

BlacKkKlansman de Spike Lee (États-Unis)

Visiter le passé pour mieux comprendre le présent. C'est exactement ce que fait Spike Lee avec ce nouveau film, son meilleur depuis 25th Hour. Même s'il est nourri de colère, que d'aucuns estimeront justifiée à une époque où les questions de race et d'identité sont plus que jamais exacerbées, BlacKkKlansman n'a pourtant rien du film « enragé ». À travers une histoire véridique, qui s'est déroulée dans les années 70, Spike Lee trouve une matière dans laquelle le caractère absurde de la situation révèle sa propre éloquence.

Les salopes ou le sucre naturel de la peau de Renée Beaulieu (Québec)

Bien sûr, le titre du film est provocant. Et renvoie au deux poids, deux mesures auquel les femmes sont trop souvent encore soumises en matière de sexualité, surtout quand celle-ciest pleinement assumée et vécue sans culpabilité. Aussi convient-il de souligner l'exceptionnelle composition de Brigitte Poupart, qui plonge ici courageusement dans un rôle casse-gueule en modulant avec virtuosité toutes les tonalités d'un personnage complexe. Et Renée Beaulieu, qui signe un deuxième long métrage après Le garagiste, force la discussion en abordant la question des normes sociales. Bien joué.