Héros d'une page méconnue de la guerre de Sécession, Newton « Newt » Knight était un fermier du Mississippi enrôlé par l'armée sudiste, devenu déserteur après avoir compris que les hommes comme lui, les pauvres, combattaient pour la cause des riches planteurs, perdant au passage leurs maigres biens, sinon leur vie.

Réfugié dans les marais où se terraient d'autres déserteurs et des esclaves en fuite, il a pris la tête de ces hommes et ces femmes qui n'avaient plus rien à perdre afin de chasser l'ennemi confédéré - les nordistes étaient alors le moindre de leurs problèmes - et de transformer leur comté, celui de Jones, en État libre de Jones.

Ce sont ces événements que suit Free State of Jones de Gary Ross (Hunger Games, Pleasantville), en les posant sur les épaules de Matthew McConaughey.

Pas un mauvais choix. Sauf que...

Le beau gosse des comédies romantiques, qui s'est fait acteur sérieux ces dernières années et a été oscarisé pour Dallas Buyers Club, se glisse ici dans un rôle écrit de façon si manichéenne (il ne prend jamais une mauvaise décision et ses mots sont comme parole d'évangile pour ses « disciples ») qu'avec sa barbe, ses cheveux longs, son regard creux, son intensité toujours au maximum, il se fait figure rien de moins que christique.

C'est lui qui va savoir comment libérer Moses (Mahershala Ali) de son collier d'esclave. C'est lui qui va apprendre aux uns à lire, aux autres à manier le fusil. C'est lui qui... tout, quoi.

Bref, un sauveur - blanc - nous est né ! Alléluia.

NI NOIR NI BLANC

Un peu de lecture sur le sujet montre toutefois que l'homme, le vrai, était beaucoup plus en demi-teintes que l'être parfait que présente ce long métrage trop long, correctement fait (belle reconstitution de bataille en ouverture), mais lourd de sobriété, académique (photos d'époque et notes à l'écran appuient sur cet aspect alors que l'oeuvre prend en même temps des libertés avec l'histoire) et d'où l'émotion est presque absente.

Il y avait pourtant matière à... Et il aurait pu y avoir. Mais le traitement manichéen appliqué à Newt a aussi été utilisé sur les autres personnages. 

Les bons sont bons, point. Les méchants sont méchants, point. Impossible, alors, de croire en ces personnages. Pas plus qu'à leur détresse et à leur douleur, à leur soulagement et à leurs bonheurs.

En « prime » (manière de parler), une maladresse scénaristique de taille.

À intervalles réguliers, pour rappeler combien la question raciale n'a pas été réglée, loin de là, avec l'abolition de l'esclavage, nous sommes propulsés en 1948 afin de suivre le procès d'un arrière-petit-fils de Newt : son crime est d'avoir épousé une femme blanche, lui qui aurait un huitième de sang noir.

Eh oui, son ancêtre a vécu et a eu des enfants avec Rachel (Gugu Mbatha-Raw), une esclave en fuite, bien que marié à Serena (Keri Russell)... qui disparaît de fort commode manière lorsque la soupe devient trop chaude auprès de son mari - pour revenir en fin de parcours et accepter avec le sourire la nouvelle compagne de son homme.

Il aurait été intéressant de fouiller cette histoire-là. Mais ç'aurait été un autre film, à confier à un autre réalisateur.

DRAME HISTORIQUE

Free State of Jones

(V.F. : L'État libre de Jones)

De Gary Ross 

Avec Matthew McConaughey, Gugu Mbatha-Raw, Mahershala Ali. 2 h 19.

Image fournie par Remstar

Free State of Jones