« Mais voyons. » « Tu me niaises. » « Impossible... »

Voici quelques réactions que vous aurez assurément en regardant Tickled, le documentaire-choc des Néo-Zélandais David Farrier et Dylan Reeve qui est, en ce début d'été, l'événement à ne pas manquer au Cinéma du Parc.

Dans ce film présenté en première mondiale au festival Sundance, l'hiver dernier, les journalistes enquêtent sur les ramifications mystérieuses de Jane O'Brien Media, une entreprise qui invite à ses frais (et paie 1500 $) de jeunes hommes athlétiques pour qu'ils enregistrent, à Los Angeles, des vidéos où ils sont enchaînés le temps de subir une séance de torture de chatouilles.

Intrigué ? David Farrier l'était aussi. C'est pourquoi il a tenté de rejoindre les producteurs de ces capsules aux allures fétichistes pour les interviewer dans le cadre de son émission. La réponse qu'il a reçue l'a toutefois beaucoup surpris : « Nous ne voulons pas être associés à un journaliste homosexuel. [...] Honte à vous », lui a répondu une certaine Debbie Kuhn. À titre informatif, Farrier est bisexuel.

Avec cette réponse étonnamment homophobe, compte tenu du fait que les vidéos ont un petit quelque chose de « gai », comme l'a dit lui-même le journaliste en entrevue avec La Presse, plus tôt cette semaine, sa curiosité a été piquée. Puis, face à une histoire trouble et mystérieuse, David Farrier a fait ce que tout reporter doit faire dans une pareille situation : il est allé sur le terrain parler avec les personnes concernées.

Ceux qu'il a rencontrés, victimes d'une terrifiante campagne de cyberharcèlement, vivaient un cauchemar depuis des années.

UN RYTHME HALETANT, UNE HISTOIRE SURPRENANTE

Tickled est un film à la trame narrative surprenante, qui nous tient accrochés au bout de notre siège, médusés par les faits qui nous sont présentés. D'abord, le sujet a de quoi être surprenant : plusieurs doivent ignorer que les chatouilles sont pratiquées dans le domaine du masochisme érogène.

Puis, il y a cette approche quelque peu narcissique, mais qui fonctionne. D'une façon immersive à la Michael Moore, on ne fait pas que présenter d'anciens participants qui ont tenté de mettre fin à leur expérience d'endurance aux chatouilles, on nous présente David Farrier qui rencontre ces victimes d'un système tentaculaire harcelant, présentées en ligne comme des déviants sexuels.

Farrier est une personnalité bien connue dans l'univers des médias en Nouvelle-Zélande, mais il passerait inaperçu peu importe où il irait au Québec. Malgré tout, on est captivé en suivant dans le film son parcours, ses interrogations et ses découvertes. 

Tickled nous amène dans les coulisses de son enquête pour découvrir qui se cache derrière Jane O'Brien Media avec un rythme haletant et une signature digne des grands thrillers hollywoodiens. Le résultat est passionnant.

Quand on voit T.J., un footballeur pour qui la société a créé frauduleusement un site internet en utilisant son vrai nom, ses renseignements personnels, puis a envoyé des déclarations diffamatoires sur sa personne à ses proches, on se demande pourquoi il n'a pas porté plainte à la police. S'il y a un bémol à cette enquête, c'est bien le lot de questions qu'elle suscite, sans que l'on fournisse nécessairement des réponses éclairantes.

À la lumière de la première américaine à Los Angeles, la semaine dernière, on comprend d'ailleurs pourquoi. L'un des principaux acteurs visés par Tickled s'est présenté à la projection et a menacé l'équipe de production de la poursuivre pour une énième fois. Les documentaristes ne peuvent pas donc pas répondre à toutes nos questions, puisque leur histoire évolue toujours, bien que leur film soit terminé.

DOCUMENTAIRE-CHOC

Tickled 

De David Farrier et de Dylan Reeve

1 h 31

Image fournie par Magnolia Pictures

Tickled