L'affaire Benghazi continue. Les attaques de septembre 2012, lors desquelles quatre Américains sont morts, ont été adaptées dans un film d'action encensé par les conservateurs pour sa critique indirecte d'Hillary Clinton, alors chef de la diplomatie, aujourd'hui candidate à la présidentielle.

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13 Hours raconte la nuit du 11 au 12 septembre 2012 à travers six personnages, ex-soldats d'élite américains embauchés comme prestataires par la CIA pour protéger ses installations secrètes dans la ville libyenne.

On suit leur combat héroïque, toute une nuit et dans un continuum d'explosions caractéristiques des films de Michael Bay (Transformers, Pearl Harbor, Armageddon...), pour repousser deux attaques. La première vise en début de soirée la mission diplomatique américaine, où l'ambassadeur Chris Stevens est présent et meurt rapidement, asphyxié par l'incendie déclenché par les intrus. Un informaticien, Sean Smith, périt également.

La seconde attaque dure des heures et vise l'annexe proche de la CIA, où les six hommes, depuis les toits, repoussent des dizaines d'assaillants lourdement armés, avant qu'une attaque au mortier ne tue l'un d'eux, Tyrone Woods, et un autre opérateur, Glen Doherty, arrivé au petit jour de Tripoli.

La thèse du film est simple: les hommes de Benghazi n'ont reçu aucun renfort de Washington ou du Pentagone, malgré de multiples appels.

Même si Hillary Clinton et Barack Obama ne sont jamais nommés, le réquisitoire accable une bureaucratie politique et militaire jugée incompétente, pas même capable de dépêcher quelques chasseurs F16 pour une démonstration de force. On voit un personnage supplier un poste de commandement militaire, sans effet.

En réalité, des rapports d'enquête parlementaires ont confirmé qu'aucun avion ou drone armé, ni contingent de forces terrestres, n'étaient disponibles pour arriver à temps à Benghazi. Les républicains du Congrès accusent toutefois l'administration de négligence pour avoir laissé les diplomates sans protection adéquate dans une ville de plus en plus dangereuse.

La candidate Hillary Clinton a survécu sans dommages à une journée d'audition parlementaire convoquée par ses adversaires républicains en octobre.

Pour les conservateurs, le film est la revanche, une arme de persuasion de millions de spectateurs potentiels qui ne connaîtraient pas les détails de l'affaire.

Quatrième au box-office 

La grande chaîne d'informations Fox News, très regardée par les républicains, consacre un temps considérable de son antenne à 13 Hours.

Lundi, la présentatrice vedette Megyn Kelly a invité trois des protagonistes représentés à l'écran. Selon elle, le film montre «les appels désespérés et laissés sans réponse par l'administration du président Obama, y compris le département d'État d'Hillary Clinton».

«Moi, je pense qu'ils n'ont même pas essayé», a témoigné l'ex-Ranger Kris Paronto.

Quelques jours avant, la mère de Sean Smith, Patricia Smith, en larmes, s'exclamait sur la même chaîne: «Hillary est une menteuse!»

Elle accuse la démocrate, avec le père de Tyrone Woods, de lui avoir personnellement assuré que l'attaque était due à une vidéo islamophobe qui avait provoqué des manifestations dans le reste du monde arabe.

Dans les cercles conservateurs, de l'animateur radio Hugh Hewitt à l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich, le film est promu comme indispensable pour comprendre la responsabilité d'Hillary Clinton dans la tragédie.

Bien que les producteurs vantent un film apolitique, la stratégie de lancement s'est focalisée sur les publics conservateurs, militaires et religieux.

«Les conservateurs diront que le film donne une mauvaise image du processus de décision démocrate à l'époque. Ce n'est pas notre but. Notre but est de montrer l'héroïsme extraordinaire qui est passé au second plan à cause de la politique», a dit le vice-président de Paramount, Rob Moore, au Hollywood Reporter.

Hillary Clinton n'a pas réagi, disant qu'elle n'avait pas eu le temps d'aller le voir. Mais le film pourrait-il changer son image?

«Aujourd'hui, dans les primaires démocrates, ça ne devrait pas avoir trop d'impact, mais cela pourrait rouvrir la question de sa capacité à être élue», dit à l'AFP Timothy Hagle, professeur de sciences politiques à l'université de l'Iowa, où le coup d'envoi des primaires sera donné le 1er février. «Cela pourrait faire hésiter les gens», notamment les électeurs du centre, en novembre, estime-t-il.

Pour son premier week-end en salles, 13 Hours s'est classé quatrième au box-office, loin des chiffres des précédents films d'héroïsme militaire.

Le bouche-à-oreille sera déterminant pour élargir l'audience au-delà des républicains.