Le projet d'écrire et de réaliser un film dans lequel on aborde au passage la culture du sport professionnel avait de quoi séduire l'ancien journaliste qu'est Peter Landesman.

Quand Giannina et Ridley Scott ont pris contact avec lui pour lui proposer d'écrire et de réaliser Concussion, Peter Landesman n'a pu s'empêcher de rire.

«J'étais tellement heureux de recevoir cette proposition ! confie-t-il lors d'une entrevue accordée à La Presse. Ce que Giannina et Ridley ne savaient pas, c'est que je m'intéressais à cette histoire depuis longtemps. J'avais même rencontré le Dr Bennet Omalu il y a quelques années, sans savoir que j'allais un jour réaliser un film qui raconterait son périple.»

Le parcours du cinéaste fait d'ailleurs écho à celui de l'ancien journaliste que Peter Landesman a déjà été. Son premier film, Parkland, racontait l'assassinat du président Kennedy, du point de vue du personnel soignant de l'hôpital. Landesman a aussi signé le scénario de Kill the Messenger, un film qui évoque l'histoire du journaliste qui a dévoilé l'implication de la CIA dans l'affaire des rebelles contras du Nicaragua.

«Chaque fois que j'aborde un sujet, je m'y mets à fond, explique-t-il. J'essaie d'avoir une vue à 360 degrés. Chaque fois que je m'inspire de faits réels pour écrire un scénario, je fais d'abord un travail journalistique. Pour écrire Concussion, j'ai évidemment beaucoup discuté avec le Dr Omalu, mais aussi avec tous les autres intervenants de l'histoire. Le défi, ensuite, est de construire une trame narrative et d'en tirer un bon film de cinéma !»

Une «grosse» histoire

Peter Landesman savait qu'en évoquant le parcours du Dr Bennet Omalu, il s'attaquait à une «grosse» histoire. Ce médecin légiste, spécialisé dans la neuropathologie, a diagnostiqué le premier cas d'encéphalopathie traumatique après avoir pratiqué une autopsie sur un ancien joueur des Steelers de Pittsburgh, mort à l'âge de 50 ans. Ses découvertes ont amené sur la place publique le grave problème des commotions cérébrales au sein du sport professionnel.

«Je ne suis même pas certain que le studio savait dans quoi il s'embarquait quand il nous a donné le feu vert ! lance le cinéaste. C'est un film dont les enjeux dépassent de loin ceux du football. Concussion traite de la notion de la vérité. Il s'interroge aussi sur ce qu'être Américain veut dire. Il s'interroge également sur les moyens qu'on prend pour camoufler la vérité indiscutable de la science quand celle-ci entre en conflit avec les intérêts des grandes corporations. Les recherches du Dr Omalu ont aussi ouvert la voie à une meilleure compréhension de la maladie mentale.»

Une conception de la masculinité

Concussion fait écho à un message que peu de gens souhaitent entendre. Parce qu'il appelle, fondamentalement, à un changement de culture. Dans la société américaine, le football est, comme le hockey chez nous, une religion. La pratique du sport charrie aussi avec elle une conception de la masculinité dont les fondements sont quasi immuables. Des joueurs n'hésiteront pas à mettre leur santé mentale ou physique en jeu pour bien correspondre à l'image de virilité qui en découle. «Pas un sport de mauviettes», peut-on entendre dans le film.

«C'est probablement là l'aspect le plus difficile du problème, reconnaît le cinéaste. Honnêtement, je ne sais pas si cette mentalité peut changer. Je n'en sais vraiment rien. Mais il est clair qu'il faut céder quelque chose dans cette culture, et modifier le message qu'on transmet aux plus jeunes.

«J'aime lire sur le football ou voir les faits saillants des parties, poursuit-il. Mais je préfère maintenant faire autre chose de mes dimanches. Je pourrais encore facilement me laisser happer par le spectacle d'une partie et les sensations d'exaltation que ça procure. Mais je sais maintenant tout ce qui se passe derrière. Ça m'est difficile de souscrire à ça.»

Alors que Concussion s'apprête à gagner les écrans, Peter Landesman se tourne déjà vers son prochain film. Felt, un drame biographique, relatera l'histoire de Mike Felt, mieux connu sous le pseudonyme Deep Throat. Liam Neeson incarnera l'informateur qui a permis aux journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein de révéler au grand jour le scandale du Watergate en 1975.

«Le journaliste en moi n'est jamais très loin !» conclut Peter Landesman.