Après Muhammad Ali et Chris Gardner, le Dr Bennet Omalu est le troisième personnage réel qu'incarne Will Smith au grand écran. Cette fois, l'acteur a pu suivre son modèle dans tous les aspects de sa vie, même les salles d'autopsie!

Will Smith le reconnaît. Pour un acteur, il peut être assez intimidant de devoir incarner au cinéma une personne encore vivante. Surtout quand ladite personne vous donne un accès privilégié dans pratiquement tous les aspects de sa vie professionnelle et privée.

«Imaginez le stress lors d'un premier visionnement alors que celui que vous incarnez est assis pas très loin de vous dans la salle! s'est exclamé Will Smith lors d'une conférence de presse tenue récemment à New York. En même temps, j'adore ce genre de rôle, car je peux construire mon personnage en parlant directement à celui que je dois interpréter. Bennet m'a permis de le côtoyer et de l'observer partout. Je l'ai même vu faire des autopsies. J'ai mis au moins trois ou quatre mois à m'y habituer!»

Et le comédien d'expliquer alors à quel point cette expérience l'a impressionné. Will Smith a en effet pu constater sur place l'état d'esprit qui anime le Dr Bennet Omalu quand il exerce son métier de médecin légiste, spécialisé dans la neuropathologie.

«C'était fascinant à voir, dit-il. Bennet entretient un vrai rapport avec celui qu'il appelle son "patient". Il met de la musique quand il opère. À ses yeux, c'est comme si son "patient" allait maintenant lui révéler des secrets de sa vie. Il exerce son métier avec un respect immense. Il en fait aussi un acte de nature spirituelle.»

Un rêve américain

Né au Nigeria en 1968, en pleine guerre civile, Bennet Omalu représente l'incarnation même du «rêve américain». Venu aux États-Unis au cours des années 90, l'étudiant en médecine a eu l'occasion d'y perfectionner sa pratique. Sa vie a basculé en 2002, l'année où il a dû pratiquer une autopsie sur l'ancien joueur des Steelers de Pittsburgh Mike Webster, mort dans des circonstances nébuleuses à l'âge de 50 ans. Le Dr Omalu diagnostique alors le premier cas d'encéphalopathie traumatique, une condition directement liée aux commotions cérébrales. Les cas se multiplient. Et les conclusions, toujours les mêmes.

Ignorant pratiquement tout de l'importance du football dans la culture américaine, le médecin croyait alors que le fruit de ses recherches scientifiques serait accueilli avec enthousiasme. Or, lui qui souhaite par-dessus tout s'intégrer à la société américaine se heurte plutôt à la résistance corporatiste d'une organisation - la National Football League (NFL) - qui mettra tous les efforts requis pour étouffer l'affaire. Et le discréditer au passage.

«Cette histoire dépasse de loin le milieu du football, précise Will Smith. Elle a aussi à voir avec les idéaux sur lesquels ce pays s'est construit. Comment peux-tu choisir d'ignorer des connaissances scientifiques qui existent réellement? Comment peux-tu ne pas vouloir connaître la vérité? Pour Bennet, seule cette vérité importe, et au diable les conséquences. Je trouve d'ailleurs très ironique que des découvertes aussi importantes, liées à la pratique du sport le plus aimé et le plus vénéré en Amérique, soient faites par un immigrant!»

Un sujet tabou

Même si la NFL a conclu une entente à l'amiable - dont les détails n'ont jamais été dévoilés - avec tous les anciens joueurs qui ont intenté des poursuites, il reste que le sujet reste encore tabou. Concussion n'a d'ailleurs pas été facile à imposer. Produit notamment par Ridley Scott et sa femme Giannina Facio, le projet de film a été systématiquement rejeté par les grands studios au départ.

«Quand j'ai lu l'article du magazine GQ qui relatait l'affaire, je me suis tout de suite dit qu'il y avait là une histoire importante à laquelle nous devrions porter attention, explique la productrice. On a fait le tour des studios; personne n'en voulait. Ce n'est que lorsque Peter Landesman, dont nous avions beaucoup aimé le travail sur Parkland, s'est impliqué que tout s'est finalement enchaîné!»

Ancien journaliste, et déjà bien au courant de l'histoire, Peter Landesman a ainsi écrit le scénario du film et en a assuré la réalisation. Il a aussi pu réunir une distribution de haut vol autour de Will Smith, de laquelle font notamment partie Albert Brooks, Alec Baldwin, David Morse et Gugu Mbatha-Raw. Cette dernière incarne la femme du médecin.

«Ce personnage est crucial, indique le réalisateur. Ce n'est qu'au moment où Bennet m'a présenté sa femme Prema que j'ai enfin trouvé la clé de mon scénario. C'est en les voyant tous les deux que j'ai compris à quel point cette histoire repose, en fait, sur une grande histoire d'amour. Prema est très discrète, mais elle reste la force motrice dont Bennet a besoin pour mener son combat. Ce partenariat est essentiel dans sa réussite.»

Pittsburgh, ville de football

Une bonne partie du tournage a eu lieu dans la ville même où le Dr Omalu a pratiqué la médecine à l'époque. Pittsburgh est une ville de football. Les Steelers y occupent un espace très important, tant sur le plan économique que culturel. L'histoire évoquée dans Concussion a là-bas des résonances encore plus particulières.

«Parfois, c'était un peu lourd, reconnaît Will Smith. Tous les jours, nous recevions sur le plateau la visite de gens directement impliqués dans l'histoire. Nous étions constamment sous le poids de l'émotion.»

Forcément, l'acteur ne peut plus voir une partie de football de la même façon.

«Ça reste un sport magnifique, dit-il. Mais il est impossible de faire fi des connaissances que l'on a maintenant. On ne peut pas rester aveugle devant les commotions cérébrales à répétition, ni même les plus petites choses qui, quand même, peuvent mener à des dérèglements. J'ai encore plus d'admiration pour les joueurs. Mais quand tu as une compréhension scientifique de l'effet que peut avoir le choc d'un cerveau qui se répercute sur un crâne humain, ta perception de ce sport est changée à tout jamais.»

Et qu'en est-il de la NFL par rapport à l'existence de ce film? Peter Landesman estime que le point de vue de la NFL n'était pas nécessaire à la bonne marche du projet, étant donné que ce point de vue est déjà exprimé tous les dimanches à la télé.

«Concussion est avant tout l'histoire d'un homme et de son parcours, indique le cinéaste. J'espère que les gens de la NFL verront le film, car en principe, ils devraient l'aimer. Ils se rendront compte, en tout cas, qu'il n'est pas du tout dirigé contre eux, mais qu'il cherche plutôt à être inclusif. Nous devrions tous mettre nos efforts en commun pour trouver des solutions à un problème grave.»

Les frais de voyage ont été payés par Sony Pictures.