Les Golden Globes, qui ont récompensé Boyhood, Birdman et The Grand Budapest Hotel dimanche, sont les deuxièmes prix les plus prisés du cinéma américain mais n'ont qu'un effet de prédiction incertain sur les prestigieux Oscars.

«La première chose que je dirais à des gagnants aux Golden Globes c'est: "restez prudents"», remarque Tim Gray, chef de rubrique prix du cinéma chez Variety, la bible du secteur.

«Les Golden Globes n'ont pas de pouvoir magique de prédiction», renchérit Robert Thompson, professeur de culture populaire à l'Université de Syracuse.

D'une part, quand les Globes ont été remis dimanche, «le vote pour les nominations pour les Oscars», qui sera dévoilé jeudi, «était déjà clos», ajoute Sasha Stone, du site internet spécialisé Awards Daily.

L'autre point fondamental, c'est que les Golden Globes et les Oscars, que Tom Nunan qualifie de «prix le plus précieux qu'on puisse recevoir au monde à part un Nobel», émanent de corps de métiers différents.

Les Golden Globes représentent le choix de quelque 90 correspondants de la presse étrangère alors que les Oscars sont décernés par 6000 professionnels du cinéma membres de la puissante Academy of Motion Pictures Arts and Science.

Le palmarès de syndicats comme celui des acteurs ou des producteurs, dont beaucoup de membres votent également pour les Oscars, offre donc une bien meilleure indication des tendances pour les Oscars.

Discours et applaudissements scrutés 

Les Producers Guild Awards, qui seront remis le 24 janvier, prennent ainsi le pouls de l'Académie pour l'Oscar du meilleur film. Cette année les nominations placent en tête Birdman, Boyhood et Whiplash.

Les Screen Actors Guild Awards, qui seront décernés le 25 janvier, représentent, eux, une indication souvent juste des Oscars des meilleurs acteurs, et donnent la pole-position à Birdman, Boyhood et The Imitation Game.

Cela ne signifie pas toutefois que les Golden Globes n'ont aucun impact sur les Oscars, qui seront remis le 22 février.

«Avoir la réputation d'un gagnant» peut ainsi contribuer à l'image d'un artiste auprès des membres de l'Académie, note ainsi Tim Gray.

La cérémonie de dimanche, vue par quelque 21 millions de personnes aux États-Unis, «focalise aussi l'esprit des votants sur un petit nombre de titres ou d'acteurs», juge Tom Nunan, producteur et enseignant à la UCLA School of Theatre, film and television.

Sasha Stone fait part d'un autre indicateur peu scientifique: l'applaudimètre. Car elle remarque que le public des Golden Globes est constitué presque exclusivement de membres de l'Académie.

Elle a ainsi relevé que l'assemblée avait semblé «aimer  particulièrement» The Grand Budapest Hotel, The Theory of Everything, Selma, The Imitation Game, Whiplash, entre autres.

Certains donnent aussi de l'importance aux prestations des lauréats sur scène. «Les membres de l'Académie aiment les gens qui sont éloquents et classe», car ils se font pour quelques instants les ambassadeurs du cinéma américain dans le monde, assure Tom Nunan.

«C'est un peu inconscient», mais ils vont voter pour des gens «qu'ils ont envie de revoir sur scène» un mois et demi plus tard, ajoute-t-il.

À ce titre, certains gagnants dimanche ont marqué des points de l'avis général, comme Patricia Arquette (Boyhood), Julianne Moore (Still Alice) et Eddie Redmayne (The Theory of Everything), tandis que des observateurs jugeaient la performance d'Amy Adams (Big Eyes) confuse.

Michael Keaton a quant à lui divisé, certains qualifiant de poignantes ses allusions à son enfance modeste et ses larmes en parlant de son fils, d'autre le jugeant hagard.

Tim Gray se souvient toutefois que l'an dernier, «Matthew McConaughey avait fait un discours sans queue ni tête aux Golden Globes. (...) Il a quand même gagné l'Oscar» du meilleur acteur pour Dallas Buyers Club.

Autre point clé: les Globes séparent la catégorie des «comédies» et des «films dramatiques», à la fois en cinéma et télévision.

«Malgré ces prix dédoublés, des gagnants de Golden Globes n'ont décroché l'Oscar que quatre fois sur les dix dernières années. Donc ces prix (...) ne sont pas un signe fiable pour les Oscars», insiste M. Gray.