Au terme d'une journée folle en rebondissements digne des meilleurs films d'action, Sony Pictures a annoncé hier qu'il annulait la sortie du film The Interview, prévue le jour de Noël, en raison de menaces terroristes. Le studio a ajouté qu'il ne compte pas lancer non plus le long métrage, produit au coût de 42 millions américains, sous quelque forme que ce soit, c'est à dire en DVD ou sur les chaînes de cinéma sur demande.

L'annonce, faite par communiqué autour de 17h, est arrivée à peu près au même moment où des sources anonymes au sein des services d'espionnage américains laissaient entendre que le gouvernement de la Corée du Nord était directement impliqué dans les attaques survenues récemment contre le système informatique de Sony Pictures.

Comédie d'espionnage de Seth Rogen et Evan Goldberg, The Interview raconte les aventures de deux représentants des médias, interprétés par Seth Rogen et James Franco, mandatés par la CIA pour tuer le leader nord-coréen Kim Jong-un durant une entrevue.

Depuis l'annonce de la sortie du film, Sony Pictures en a vu de toutes les couleurs. Son système informatique a été l'objet d'une cyberattaque au cours de laquelle des documents très embarrassants ont été volés, puis divulgués dans les médias. Tout en dénonçant vertement le film, le gouvernement de la Corée du Nord a nié être à l'origine de cette attaque.

Puis, au cours des derniers jours, des individus identifiés sous le nom des Gardiens de la paix ont menacé les propriétaires de salles qui présenteraient le film. La menace s'étendait même aux habitants de résidences sises à proximité des cinémas.

Tôt dans la journée d'hier, Sony a autorisé les exploitants de salles à retirer le long métrage de leur programmation. Il n'en fallait pas plus pour que les principaux acteurs du milieu déclarent forfait. 

Au milieu de l'après-midi, les cinq plus grands exploitants américains (Regal, AMC, Cinemark, Carmike et Cineplex) avaient tous annoncé le retrait du film de leur programmation. Deux d'entre eux, Cinemark et Carmike, avaient déjà pris leur décision mardi.

Au Canada, la chaîne Cineplex a emboîté le pas. Dans un communiqué diffusé en milieu d'après-midi, l'entreprise a annoncé à son tour son retrait. «Après avoir évalué attentivement cette situation complexe et sans précédent, Cineplex Divertissement reportera la présentation du film de Sony Pictures The Interview. Chez Cineplex Divertissement, nous prenons au sérieux notre engagement envers la liberté d'expression artistique, mais nous voulons rassurer nos invités et notre personnel que leur sécurité est notre priorité absolue. Nous avons hâte que cette situation soit réglée et que les responsables soient appréhendés», a déclaré Pat Marshall, vice-président aux Communications et aux Relations avec les investisseurs de la division canadienne de l'exploitant.

Québec, Canada

Au Québec comme au Canada, la situation entourant The Interview aura été floue une bonne partie de la journée.

Pendant un moment, plusieurs représentants du milieu à qui La Presse avait parlé laissaient entendre que les choses se poursuivaient comme prévu et que le film sortirait le 25 décembre.

Président de l'Association des propriétaires de cinémas du Québec, Vincent Guzzo affirmait autour de 14h qu'il s'entretiendrait avec ses membres vendredi à 11h pour prendre une position commune. Mais d'un point de vue personnel, M. Guzzo affirmait alors ne pas vouloir céder à la menace.

Deux heures plus tard, à la suite du retrait des cinq plus grands exploitants de salles des États-Unis, son discours avait changé. Il jonglait avec l'idée de retirer le film de ses salles, ajoutait vouloir maintenir la rencontre de vendredi et concluait en disant qu'à son avis, Sony Pictures annulerait purement et simplement la présentation du film avant cela.

Sony lui a donné raison...

«The Interview est le film de Sony, alors c'est leur décision. Les exploitants de salles sont tenus hors d'un tel débat, a conclu M. Guzzo au cours d'un troisième échange téléphonique (vers 18h15) avec La Presse. Ce ne sera cependant pas un gros casse-tête pour le Québec, car ici, le film ne sortait qu'en anglais. C'était donc une sortie limitée (une dizaine de salles, selon Sony). Ça me donne l'opportunité de doubler la sortie d'un film de famille, comme Night at the Museum, pour le temps des Fêtes.

Hier à 19h, ni Seth Rogen ni James Franco n'avaient émis de commentaires face aux derniers développements sur leur page Twitter.