Après avoir réalisé une multitude de courts métrages et de clips, Joseph Gordon-Levitt passe aux «vraies affaires», le long métrage. Il a écrit et réalisé la comédie dramatique Don Jon, dans laquelle il tient aussi la vedette. Rencontre avec un jeune homme qui sait diriger. Et écouter.

Joseph Gordon-Levitt est tombé dans la potion magique du jeu quand il était enfant, mais sa présence se fait vraiment sentir à l'écran, avec poids et solidité, depuis quatre ou cinq ans. Personne ne s'en plaint. L'acteur de 32 ans choisit ses projets avec soin. Et varie les plaisirs avec doigté, passant du film indépendant (50/50, (500) Days of Summer) aux superproductions (The Dark Knight Rises, Looper).

Après s'être mis au service des Steven Spielberg, Christopher Nolan et autres Rian Johnson, après avoir produit, écrit et réalisé nombre de courts métrages et de clips pendant les 10 dernières années, il a décidé de prendre le septième art par les cornes et de se mettre aux commandes de Don Jon, comédie dramatique qu'il a écrite, réalisée et dont il campe le premier rôle devant Scarlett Johansson - à qui il a pensé dès qu'il a couché sur papier le personnage de Barbara.

Le Jon du titre, c'est Jon Martello, que ses amis surnomment Don Jon parce qu'il peut... disons, lever une fille chaque week-end, dans les clubs qu'ils fréquentent.

Mais aucune ne le satisfait complètement. En tout cas, pas comme le font celles qui s'agitent dans les films pornos dont il se régale de façon compulsive. Et puis, un jour, il rencontre Barbara Sugarman. Sublime bombe blonde. Qui carbure aux comédies romantiques hollywoodiennes. Et aspire à ce que sa vie ressemble à ces films.

Romance catastrophe

Deux planètes, donc. Qui vont se frôler avant d'entrer en collision. Y aura-t-il des survivants?

On pourrait appeler cela une romance catastrophe.

«En fait, je voulais parler de l'impact que peuvent avoir les médias sur nos attentes par rapport à la vie, en particulier en ce qui a trait à l'amour et au sexe», note Joseph Gordon-Levitt qui n'a jamais, lors de son processus créatif, séparé l'écriture de la réalisation et du jeu.

«Je voyais les images et j'entendais la musique en écrivant. Et je suis assez productif quand vient le temps de me diriger», fait-il avec un sourire totalement craquant, et en s'exprimant ici et là en français lors de l'entrevue qu'il a accordée à La Presse pendant le Festival international du film de Toronto.

Il a en effet appris la langue de Molière entre autres grâce à sa mère, grande francophile, et aux films issus de l'Hexagone qu'ils consommaient... compulsivement.

La vie

Bref, il avait une idée: «Je travaille dans le milieu du cinéma et je suis très intéressé par l'impact que mon travail - et celui de ceux qui pratiquent le même métier - a sur les gens. Combien de fois ai-je entendu dire: «Pourquoi est-ce que ma vie n'est pas comme dans un film? Pourquoi est-ce que je ne trouve pas quelqu'un comme elle/lui, dans ma vraie vie?» Heu... parce que, justement, la vie n'est pas un film!»

Il avait aussi des personnages. Ce garçon et cette fille issus de bonnes familles, propres de leur personne, apparemment normaux, mais qui objectivent l'autre. À cause de l'idée qu'ils se sont forgée de l'autre, des autres, à travers les films.

«J'aime les films, j'adore les films, j'en consomme en quantité. Ils me font découvrir de nouvelles manières de voir les choses. Ce qui se passe sur les écrans peut servir à cela, à nous ouvrir humainement et sur le plan créatif. Mais cela peut aussi servir à renforcer des attentes rigides. Or, quand vous aspirez à ce qu'offre la fiction, il y a de grandes chances que la déception soit au rendez-vous dans la réalité.»

En passant, quand il parle d'«écrans», Joseph Gordon-Levitt parle du grand, du petit et même du minuscule, celui des téléphones. Tous ont leur rôle à jouer dans Don Jon.

Autour de la table familiale chez les Martello, les yeux de papa sont rivés sur la télévision qui diffuse des émissions sportives, et ceux de frangine, sur son cellulaire. Pendant que maman tente sans trop de succès de (re)bâtir des ponts entre «son» monde.

À l'écoute

Une idée, des personnages - «qui ne sont pas des archétypes, je crois, mais qui représentent une vision des choses» - et une histoire. Le projet s'annonçait bien. En fait, pas tant que ça.

«Il me manquait un ton. Je ne trouvais rien qui me satisfaisait jusqu'à ce que je travaille sur 50/50 avec Seth Rogen.» Une comédie douce-amère, où l'humour venait des personnages. Et sur un sujet qui, à première vue, ne prêtait pas à rire. Le cancer.

Joseph Gordon-Levitt a été séduit. À partir de là, l'écriture de Don Jon a vraiment décollé. Son maître d'oeuvre aussi.

Cette expérience, il l'a adorée. Même si, honnêtement, au départ, il a écrit pour lui, sans penser à la suite des choses. Mais ses premières lectrices - sa mère, «féministe qui a été des combats des années 60 et 70», et Scarlett Johansson - ont été charmées, touchées. Très positives. Et critiques. Les choses sont alors allées de l'avant. Avec, pourquoi s'en priver, les conseils des pros avec qui il travaillait.

Ainsi, il a terminé la première version du scénario pendant le tournage de The Dark Knight Rises. Il a donc évoqué le projet avec Chris Nolan.

«J'ai eu le sentiment qu'il me prenait au sérieux parce qu'il a commencé, non pas à me dire: "Bravo! Ne lâche pas", mais à me poser des questions difficiles.» Auxquelles Joseph Gordon-Levitt a eu à trouver des réponses en cours de route. En découvrant combien être aux commandes, c'est aussi être à l'écoute.

> Don Jon prend l'affiche le 27 septembre.