Jeudi soir, au cinéma Excentris, les Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), présentent le film The Machine Which Makes Everything Disappear.

Le film part d'une fausse séance de casting durant laquelle la jeune réalisatrice Tinatin Gurchiani demande à quelques membres de la jeunesse géorgienne de s'exprimer sur leur quotidien et leurs espoirs d'une vie meilleure.

Présentée dans plus d'une quarantaine de pays, et entre autres aux festivals Sundance et Hot Docs de Toronto, l'oeuvre se démarque par son regard tendre posé sur les personnages et par sa plongée au coeur d'une Géorgie rurale figée dans le milieu du 20ème siècle.

Par courriel, La Presse a échangé questions et réponses avec Mme Gurchiani.

Q. Quel était le but principal du film ?

R. J'ai récemment été diplômée d'une école allemande de cinéma et j'avais envie de tourner dans mon pays d'origine de façon indépendante afin d'explorer mon propre style. J'ai d'abord pensé à faire une fiction mais j'ai vu tellement autre chose dans les yeux des gens. Je me suis finalement dit que de raconter le quotidien, la vie réelle des individus pouvait aussi faire de très bonnes histoires de cinéma. Je voulais des histoires simples, nullement exotiques par lesquelles j'avais envie de détruire le mythe voulant que les documentaires soient ennuyeux.

Q. Quel est le lien entre tous les personnages ?

R. Ce sont des gens avec de bons tempérament. Ils savent qu'ils ne peuvent rien prendre de ce monde, qu'ils y arrivent dépouillés et en répartiront de la même façon. Ils n'ont pas choisi les circonstances de leur naissance mais estiment que la vie vaut la peine d'être vécue. Ce sont des jeunes qui ont des occupations mais, en même temps, ils prennent soin des gens autour d'eux.

Q. Les images du monde rural de votre film semblent sortir tout droit du passé. Pouvez-vous nous en parler?

R. Nous avons tourné dans une dizaine d'endroits qui ne sont pas stéréotypés et ne se retrouvent pas dans les brochures touristiques. Par exemple, nous sommes allés dans les montagnes à la rencontre de communautés musulmanes alors que la Géorgie est en très grande majorité chrétienne orthodoxe. De plus, la Géorgie est un pays ensoleillé alors qu'il y a beaucoup de pluie dans le film. C'est un choix subjectif car je suis contre l'objectivité en matière artistique. Selon moi, les artistes réussissent à toucher le public uniquement lorsqu'ils parlent de leur sujet avec une objectivité s'appuyant sur leurs propres sentiments qui sont, à la base, vrais et.. subjectifs.

Q. Que doit-on comprendre derrière ce curieux titre ?

R. Un jour, j'ai demandé à un ami ce qu'il souhaitait le plus au monde et il m'a répondu la machine qui ferait tout disparaître. Pour moi, ça représentait parfaitement la génération que je filmais. Une génération soumise à des changements permanents dans une époque où tout est instable. Et pendant le tournage, nous avons constaté à quel point le fait d'apparaître devant la caméra bouleversait nos sujets. C'est comme si la machine du cinéma les avait débarrassé de plusieurs inhibitions.

Q. Les personnages de votre film ont-ils atteint le bonheur ?

R. Je ne sais pas si le concept du bonheur existe pour eux. Ils sont trop jeunes et ne savent que faire de tels concepts. Ils sont engagés dans un combat, celui de leur vie. Ils sont rebelles et montrent parfois leur côté pessimiste mais leurs gestes quotidiens sont emprunts de pragmatisme et d'optimisme.

La séance débute à 20h et sera suivie d'une discussion via Skype avec la réalisatrice.