Alors que le jour tombait doucement sur le lac Majeur, la Piazza Grande s'animait fébrilement dans l'attente de la projection nocturne de Gabrielle, le deuxième - et formidable - long métrage de Louise Archambault. Des milliers de personnes se sont installées devant l'écran géant pour regarder cet hymne vibrant à la vie, à l'amour, à la musique, à l'espoir de tous les possibles. Visiblement ravis et émus, les spectateurs ont accordé une longue ovation aux artisans de Gabrielle, réservant un accueil encore plus soutenu - comme un supplément d'âme - à Gabrielle Marion-Rivard, l'interprète principale du film.

«Te amo, Locarno!», s'était auparavant exclamée l'actrice sur l'immense scène. Quand la clameur a commencé à se faire entendre, dès que le générique de fin s'est mis à défiler, l'écran géant a alors renvoyé l'image d'une jeune femme heureuse et comblée, qui venait sans aucun doute de vivre l'un des plus grands moments de sa vie.

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Entre ces deux déclarations d'amour, la projection s'est déroulée dans une atmosphère immensément respectueuse. Pendant les moments de silence, on aurait même pu entendre une mouche voler. Impressionnant. «Vraiment, on ne pouvait pas rêver mieux», a déclaré, encore émue, la productrice Kim McCraw tout de suite après la projection.

Une quête d'indépendance

Gabrielle relate l'histoire de la quête d'indépendance d'une jeune femme de 22 ans atteinte d'un handicap intellectuel. Gabrielle est bien entourée, notamment par une soeur aimante et attentive (Mélissa Désormeaux-Poulin), sa mère (Isabelle Vincent), de même que l'intervenant qui veille sur elle et sur les autres pensionnaires de la résidence qu'il dirige (Benoît Gouin). Le corps tout entier de Gabrielle s'abandonne au chant, qu'elle pratique dans une chorale. Elle tombe amoureuse de Martin (Alexandre Landry, excellent), lui aussi handicapé. Ces deux jeunes adultes réclament ainsi le droit de combler leurs besoins d'adultes. Et s'accomplissent aussi à travers la musique. Une scène de répétition avec Robert Charlebois, venu soutenir la chorale dans son interprétation d'Ordinaire, tire les larmes. Gabrielle est vraiment un beau film.

Plus tôt dans la journée, la rumeur favorable s'était sans doute déjà répandue au sein de la communauté journalistique festivalière. Lors de la conférence de presse, à laquelle se sont prêtés Louise Archambault et ses deux interprètes principaux, il était manifeste que Gabrielle avait déjà gagné le coeur de plusieurs scribes. Quand l'animatrice a mis un terme à la conférence, Gabrielle Marion-Rivard n'a pu faire autrement que de lancer un gros «Je suis contente en tabarouette!». En toute candeur, d'une voix très sûre, la jeune femme de 24 ans avait déclaré auparavant, sourire irrésistible accroché au visage, que ce film-là avait sans doute déjà changé quelque chose dans son existence. «À travers ce film, je me suis rendu compte qu'il est important de rester soi-même, qu'on peut être capable de faire des choses même en étant des gens différents.»

La «différence» à laquelle Gabrielle fait ici écho est la déficience dont elle est elle-même atteinte dans la vie. Cela dit, la jeune femme fait dans le film de Louise Archambault un véritable travail de comédienne.

«Mon scénario était déjà écrit au moment où j'ai rencontré la chorale des Muses, expliquait de son côté l'auteure-cinéaste. Gabrielle collait parfaitement au personnage.»

Les Muses, précisons-le, est un centre des arts de la scène qui offre une formation professionnelle en chant, en danse et en théâtre à des personnes vivant avec un handicap.

Louise Archambault a ainsi voulu explorer la notion de bonheur pour ceux que l'on considère comme «en marge» de la société, et dont on ne parle pratiquement jamais. Pendant longtemps, son film a porté le titre Le chant des invisibles.

Une carrière internationale

Déjà vendu dans une quinzaine de territoires, Gabrielle prendra l'affiche notamment en Suisse, en France et en Belgique. Au Québec, le long métrage sortira sur nos écrans le 20 septembre. On voit mal comment ce film très sensible, pudique et bouleversant ne pourrait pas être promis à une grande carrière.