Excentriques, mystiques, coquines... Les Soeurs de la Perpétuelle Indulgence forment probablement la congrégation religieuse la plus funky de la planète. Le réalisateur montréalais Joe Balass s'intéresse à leur singulière mission, dans son documentaire Joie!

Le cinéaste montréalais Joe Balass avait 12-13 ans, quand il a découvert l'existence de la congrégation des Soeurs de la Perpétuelle Indulgence. Soeurs Hysterectoria, Missionary P. Delight, Reverend Mother et consoeurs s'étaient retrouvées au bulletin de nouvelles. Filmées lors d'une manif dans les rues de San Francisco, elles s'opposaient au point de vue «antipréservatif» du pape Jean-Paul II, qui était de passage aux États-Unis.

Son documentaire Joie!, qui prend l'affiche du cinéma Excentris ce week-end, a comme héroïne Sister Missionary Position, une nonne barbue de San Francisco qui a quitté les ordres, quand les autorités du séminaire ont eu vent de son homosexualité.

Le documentariste d'origine irakienne, arrivé à Montréal à l'âge de 4 ans, nous fait aussi découvrir les rituels mystiques, l'aura hippie et les bonnes oeuvres d'une communauté religieuse vraiment très, très atypique...

«Le créneau des Soeurs est d'expier la culpabilité et de promouvoir la joie. Elles peuvent être juives, catholiques, musulmanes, bouddhistes. Elles empruntent des rites de l'Église catholique, tout en ajoutant une touche païenne et communautaire», résume Joe Balass, qui décrit les sujets de son film avec humour et tendresse.

Apôtres de l'indulgence et de la joie perpétuelles, enfilant tantôt la robe, tantôt le jeans ou des lunettes en coeur, ces soeurs marrantes ne cultivent pas l'austérité et encore moins la moralité. Ah! oui, un détail: leur congrégation est en majorité composée d'hommes gais.

«La religion a souvent été utilisée pour culpabiliser les gens, surtout au niveau de la sexualité. Ce n'est pas du tout la vision des Soeurs, et dans ce sens-là, elles sont très modernes.»

Missionnaires de la joie

Joe Balass parle avec tendresse de cette congrégation en drag qui se consacre à plusieurs actions caritatives, comme la collecte de dons pour venir en aide aux immigrants ou aux personnages vivant avec le VIH-sida.

«Sur le plan spirituel, les soeurs essaient de promouvoir une vision solidaire, d'ouverture sur tout. Cela m'a inspiré. Elles sont à la fois "statuesques", mais aussi très souriantes. Elles essaient d'apporter quelque chose de beau, de sympa, de chaleureux dans la vie. Et pour moi, cela représente un des meilleurs côtés de la spiritualité.»

Elles sont aujourd'hui plus de 1000, ces «perpétuelles indulgentes» qui officient un peu partout aux États-Unis, de même qu'en France, en Australie et en Allemagne. Urbaines et paysannes, certaines d'entre elles, comme Sister Missionary Position, vivent en réclusion, dans la nature. Selon certaines rumeurs, elles auraient été excommuniées.

«Mish habite dans un genre de sanctuaire perdu dans le bois, isolée dans un univers méditatif, sans électricité, ni eau courante», rapporte Joe Balass, dont le documentaire s'intéresse aux «fées», des adeptes d'une frange de la culture païenne qui a émergé avec le mouvement hippie. «Ces sont des personnes très sensibles à l'environnement, qui vont chercher leur ressourcement à la campagne.»

Channeler l'esprit du clown sacré: telle est la devise des Soeurs de l'indulgence perpétuelle, qui sont de ferventes excentriques qui tressent leur barbe et se maquillent de couleurs éclatantes.

Vie spirituelle

Les cinéphiles pourront d'ailleurs rencontrer certaines d'entre elles, qui seront présentes aux projections de 20h10 à Excentris, ce week-end.

Balass, qui a précédemment réalisé un film sur l'année sainte catholique (Le Diable dans l'eau bénite), aime l'idée de lier vie spirituelle et homosexualité.

«C'est une façon de se réapproprier une spiritualité qui ne porte pas de jugement. La spiritualité devrait nous donner de la force, mais hélas souvent, elle écrase l'individu. C'est une composante de l'épanouissement, tout comme la sexualité.»