Sans parler de «crise», le président de la SODEC, François Macerola, reconnaît qu'il y a des choses à changer pour assurer un meilleur rayonnement du cinéma québécois. À commencer par le rôle de son organisme, qui pourrait resserrer les critères de dépôt des scénarios, dit-il en entrevue à La Presse.

Les producteurs et distributeurs de films québécois doivent s'attendre à se faire serrer la vis par la SODEC.

Pour le président et chef de la direction de l'organisme, François Macerola, le temps est venu de peaufiner les scénarios avant de les déposer pour obtenir du financement à la production. Ce dernier jongle même avec l'idée d'imposer un quota quant au nombre de projets déposés par producteur.

«En ce moment, les producteurs vont déposer trois ou quatre projets [par semestre] et je serais porté à les diminuer.»

Les distributeurs doivent entendre le même message. «Cette année, un distributeur a déposé sept projets. Plus un distributeur dispose de projets et moins il joue son rôle. J'ai été distributeur et je sais que lorsqu'on ne veut pas dire non à un producteur, on va présenter son projet.»

Ces réflexions, M. Macerola les livre dans le cadre de ce qui a été qualifié de «crise» du cinéma québécois. Le président de la SODEC reconnaît que l'année 2012 a été difficile pour le cinéma d'ici au box-office. Or, selon lui, le succès passe par plus de boulot abattu en amont et l'assurance que le produit final colle au projet sur papier.

Il donne l'exemple du film L'appât (sorti en 2010) dans lequel Anthony Kavanagh devait jouer un des rôles principaux, qu'a finalement défendu Rachid Badouri. «Dans ce projet, nous avions négocié des conditions et celles-ci n'auraient peut-être pas été les mêmes si on avait su que le rôle irait à Rachid Badouri, dit-il. Je ne veux pas que la SODEC soit utilisée comme une chambre de compensation ou pour tester l'eau.»

Il donne aussi l'exemple d'un producteur qui, au lendemain des annonces de financements de projets faites cette semaine, l'a appelé pour lui dire que la SODEC avait financé le mauvais projet parmi ceux qu'il avait présentés. «Je lui ai répondu: pourquoi n'as-tu pas priorisé tes scénarios?»

Chaque année, la SODEC investit environ 25 millions en production de films de tous genres.

M. Macerola ne croit pas à une recette unique pour faire revenir les gens dans les salles pour voir des films québécois. Qu'un propriétaire de salle (Guzzo) réclame plus de comédies ne réglera pas tout. «Si on ne se met qu'à faire du cinéma comique et être reconnu comme la province comique, on ne vivra pas longtemps avec notre cinématographie.»

Préoccupé par la distribution

Cela dit, M. Macerola se dit préoccupé par les questions de distribution dans le contexte de la numérisation.

«C'est clair qu'avec le numérique, le gouvernement devra faire en sorte que les films québécois puissent être présentés à l'extérieur de Montréal et Québec. Auparavant, un propriétaire de salle payait autour de 3000$ pour une copie de film qu'il conservait pour toujours. Aujourd'hui, il doit payer 750$ pour une seule semaine de projection en numérique. C'est sûr que si tu as un film québécois qui fait 1500$ d'entrées, un propriétaire ne sera pas intéressé à le prendre. Donc, on doit agir là-dessus.»

Et dans le contexte d'un mariage annoncé entre eOne et Alliance, les deux principales maisons de distribution au Québec (en dehors des géants américains), il faudra trouver des façons d'aider les petits distributeurs, croit-il.

M. Macerola planche actuellement sur un projet d'atelier de travail qui se tiendra à la fin janvier dans les Laurentides, où une vingtaine de personnes de tous les horizons seront invitées à discuter de l'avenir du cinéma québécois. Cet atelier sera présidé par le comédien Michel Côté.

Les choix de François Macerola

Invité à nommer les films qui l'ont marqué en 2012, François Macerola mentionne trois oeuvres:

> Camion de Rafaël Ouellet

> Laurence Anyways de Xavier Dolan

> Life of Pi d'Ang Lee

La SODEC en quelques mots

> Acronyme: Société de développement des entreprises culturelles.

> Créée en: 1995.

> Appartenance: la SODEC est une société du gouvernement du Québec relevant du ministère de la Culture.

> Mandat: soutenir financièrement la production et la diffusion de la culture québécoise; soutenir financièrement le développement des entreprises culturelles partout au Québec.

> Champs couverts: cinéma, télévision, livre, métiers d'art, arts visuels, musique et variétés, patrimoine immobilier.

> Siège social: Montréal.

> Président et chef de la direction: François Macerola.

> En poste depuis: novembre 2009.

> Employés: 107.

> Subvention de Québec en 2011-2012: 61,2 millions.

> Interventions financières en 2011-2012: 57,7 millions.

> Crédits d'impôt octroyés aux entreprises culturelles en 2011-2012: 185 millions.