Entrer dans l’antre de l’un des plus importants peintres contemporains, le filmer en train de travailler, l’interviewer sur sa démarche, tout cela représente un haut fait d’armes pour un cinéaste. C’est ce qu’a réussi l’Allemande Corinne Belz avec le peintre Gerhard Richter, 80 ans, mais toujours dans une forme resplendissante.



À part peut-être Picasso, peu de peintres auront réussi à exceller dans plusieurs styles, comme le fait Richter. Celui qui a flirté avec le pop art dans les années 60, avant de rénover l’art du portrait et de plonger avec grâce dans l’abstraction, reste probablement le peintre dont l’influence est la plus importante dans le monde de l’art aujourd’hui.

«Acte secret»



Mais Richter n’a jamais eu la parole facile. Jeune, comme plusieurs autres artistes visuels, il souhaitait laisser parler l’œuvre. D’ailleurs, les «tableaux font ce qu’ils veulent», dit-il dans ce documentaire d’une très belle facture. À mi-chemin en cours de tournage, le peintre remet en question le tournage puisque, souligne-t-il, la création est un «acte secret», destiné au public que lorsque l’œuvre est prête.

Malgré tout, l’artiste se laisse filmer en pleine production et en préparation d’expositions importantes à Londres et à Paris. Toute la magie du film réside dans ces images du maître en action sur la toile. Il étend au pinceau les couleurs primaires, mêlées de blanc et de noir, puis termine avec un racloir géant. Tout ce processus dure des jours et des jours pour aboutir, parfois, à la poubelle. Richter est d’une exigence totale et le résultat de son travail, absolument fascinant.

Certains pourraient être rebutés par le sujet et la longueur de certaines scènes de travail où le seul son qu’on entend est celui du pinceau ou du racloir, entrecoupé de courts commentaires du peintre. Pour les amateurs d’art, ce film est incontournable.

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Documentaire de Corinna Belz. 1h37.