La documentariste Bess Kargman a suivi pendant près d'un an la préparation de six jeunes de 10 à 17 ans en vue du prestigieux concours de ballet Youth America Grand Prix. Le résultat est un premier film empreint d'empathie qui dresse le portrait honnête de six êtres exceptionnels.



«Je ne voulais pas porter de jugement sur eux dans mon film, parce que je savais que le public, lui, en porterait un!», lance Bess Kargman. La réalisatrice n'a pas tant voulu décrire un milieu et ses travers que de laisser les danseurs et leur entourage, parents et professeurs, s'exprimer.

Dans First Position, sa caméra se pose avec beaucoup de doigté et de délicatesse sur ces six jeunes - une septième jeune fille s'ajoute à mi-parcours - qui se consacrent nuit et jour à leur passion. Du ballet, ils en mangent.

C'est d'ailleurs le premier préjugé que la réalisatrice a voulu détruire: ce ne sont pas les parents qui reportent sur leurs enfants leur rêve inassouvi, mais bien les enfants qui en sont la véritable locomotive. «Je suis convaincue que si on empêchait l'un d'entre eux de faire du ballet, il serait dépressif.»

Il y a la battante Michaela, 14 ans, une orpheline de la Sierra Leone qui a été adoptée par un couple de Philadelphie. Le surdoué Aran et son amie, la virevoltante Gaya, 11 ans tous les deux. Miko, 12 ans, et son petit frère Jules, 10 ans, dont la mère est devenue obsessionnelle compulsive et consacre toute son énergie à «donner le meilleur» à ses enfants. Rebecca, la belle princesse de 17 ans qui a reçu «tous les dons». Et Joan Sebastien, 16 ans, qui vit seul à New York son rêve de devenir le premier Colombien accepté au Royal Ballet de Londres.

«J'ai choisi des sujets très différents, qui viennent de tous les milieux. Mais ils se ressemblent par leur passion et leur discipline. C'est tellement dur; aucun d'eux ne serait rendu là si ce n'était pas ce qu'il désire vraiment», explique Bess Kargman, qui a elle-même suivi des cours de ballet pendant plusieurs années.

Peu d'élus



Leur objectif, c'est d'être l'un des 300 élus à se rendre à la finale de New York, sélectionnés parmi les 5000 jeunes qui se présentent aux demi-finales du concours dans 15 villes du monde. On parle donc de la crème de la crème, de la future élite du ballet qui, l'espace d'une performance, peut espérer décrocher une bourse d'études ou un contrat de travail dans une société prestigieuse.

«Je n'ai pas voulu faire un film de compétition, un genre de téléréalité où le but est de savoir qui sera choisi à la fin. Je crois qu'ils n'auraient pas embarqué si ç'avait été mon projet. Je voulais surtout montrer ce qui venait avant le concours, ce qui les animait.»

De toute façon, estime la réalisatrice, on ne base pas un film sur un scénario dont on ne connaît pas la fin. «Le risque aurait été grand que ce soit mauvais.»

Inspirants



Elle préférait suivre une ligne dramatique claire, qui nous permet de nous attacher à ces enfants inspirants, au regard grave et à la détermination d'acier, «qui vivent avec la pression chaque jour de leur vie».

«Au début, beaucoup de gens m'ont dit que ce n'était pas une bonne idée de choisir des jeunes de différentes catégories d'âge. On me disait qu'il faudrait qu'ils soient tous du même âge pour qu'ils se battent entre eux, qu'ils se chicanent. J'ai préféré montrer leur bataille contre eux-mêmes.»

L'intérêt du film va ainsi au-delà de la danse, estime-t-elle. «Mon but était d'intéresser tous les types de spectateurs, et pas seulement les connaisseurs de ballet. À la limite, ce film pourrait s'appliquer à d'autres disciplines qu'il faut commencer à un très jeune âge, comme le tennis ou le violon. Au-delà du ballet, on peut tous s'identifier à eux.»

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First Position prend l'affiche vendredi prochain.