Bernardo Bertolucci est arrivé sur scène en fauteuil roulant, sous une pluie d'applaudissements. Le maître italien, qui n'avait pas réalisé de film depuis The Dreamers en 2003, dit revivre grâce à son nouveau long métrage, Io e Te (Moi et Toi), présenté en séance spéciale, hors compétition, hier à au Festival de Cannes.



«En ce qui me concerne, ce film a été un retour à la vie, a-t-il déclaré en conférence de presse, en s'exprimant tour à tour en italien, en français et en anglais. Depuis 10 ans, j'ai vécu une sorte de torpeur. Je me suis réveillé quand j'ai accepté d'être moins libre physiquement. Quand on l'accepte, ça va beaucoup mieux.»




Après le tournage de Dreamers, qui référait aux événements de mai 68, l'ancien assistant de Pier Paolo Pasolini a connu des problèmes de santé, a dû renoncer à ses projets de films et ne se déplace plus qu'en fauteuil roulant. Il a cru que sa carrière était terminée. Mais une proposition de l'écrivain Niccolo Ammaniti, il y a deux ans, de porter à l'écran son roman Io e Te, lui a redonné foi en ses capacités à faire du cinéma.




Heureusement. Io e Te est une charmante fable adolescente sur la solitude et l'aliénation, des thèmes récurrents le cinéma de Bertolucci. L'histoire d'un adolescent asocial de 14 ans, Lorenzo (Jacopo Olmo Antinori, au regard de jeune Malcolm McDowell), qui s'installe pendant une semaine dans la cave de son immeuble, en faisant croire qu'il est parti en classe de neige à la montagne. Il aura bientôt la visite surprise de sa demi-soeur Olivia, une toxicomane de quelques années son aînée, qui tente de s'en sortir.




«Quand j'ai lu le roman, j'ai immédiatement eu un coup de foudre, dit le cinéaste de 71 ans, qui a reçu l'an dernier une Palme honorifique à Cannes. Peut-être parce qu'il traite de l'adolescence et qu'il s'agit pour moi d'un sujet presque irrésistible.»




Avec ses coscénaristes Niccolo Ammaniti, Umberto Contarello et Francesca Marciano, le cinéaste de 1900 et du Dernier Empereur dit avoir travaillé pendant des mois à adapter ce roman de 110 pages. «Ce qui est apparemment simple fut incroyablement complexe, dit-il. Je ne suis pas un illustrateur. Je prends des livres et j'aime bien y entrer. Trouver mon espace, qui vient de la réalité des personnages.»




Bernardo Bertolucci a tourné Stealing Beauty (1996) et Shanduraï (1999) en Italie, mais n'avait pas réalisé un film dans sa langue maternelle depuis 30 ans. «C'est vrai que j'aurais pu faire le Dernier Tango à Milano, dit-il en souriant. Pendant longtemps, j'étais dans le refus de ce que je voyais en Italie. Je n'aimais pas la situation sociale et politique. Mais si les Italiens votent à répétition pour quelqu'un que j'aurais le désir d'oublier, que puis-je faire? C'est la démocratie...»




Ce sont ses souvenirs, de paysages, de cuisine, de musiques, qui l'ont convaincu de renouer avec la langue italienne dans son cinéma. «L'italien, je le vois au théâtre, est une langue très littéraire. Je voulais rendre les dialogues simples. J'aime les dialogues des films américains. Ils sont simples et efficaces. Je crois que nous avons réussi à nous défaire du poids littéraire des dialogues italiens dans le film.»




Ce qui a permis à cette nouvelle oeuvre d'exister, explique Bernardo Bertolucci, c'est la musique subtile qui l'a inspirée. Autant celle des dialogues et du jeu des acteurs que celle que ce film tendre et émouvant donne à entendre. Les chansons de The Cure et des Montréalais Arcade Fire entre autres. Ainsi qu'une version italienne méconnue de Space Oddity (Ragazzo solo, ragazza sola), interprétée par David Bowie lui-même, qui prend un tout autre sens dans la langue de son traducteur, le parolier Mogol.




«C'est une chanson que j'ai entendue il y a longtemps à Los Angeles, alors que je me promenais sans but en décapotable en attendant une proposition de film qui n'est jamais venue, raconte Bertolucci. En italien, «Ground Control To Major Tom...» devient «Dis-moi où tu vas jeune homme solitaire, car il y a trop de souffrance...». C'est comme si les paroles avaient été écrites spécifiquement pour le film.»




Fasciné par les dernières avancées technologiques pendant son absence des plateaux de tournage, Bertolucci avait annoncé que son prochain film se ferait en 3-D. Mais après des tests à Cinecittà, il a changé d'idée. «Je déteste la 3-D, dit-il aujourd'hui. C'est un processus laborieux et trop long. J'aime être détendu pendant un tournage. J'ai cru à tort que la 3-D aiderait à mieux camper le récit dans cette cave. Finalement, je trouve que le film a presque l'air d'être en 3-D, même s'il ne l'est pas.»

Des trophées francophones dans un an





Le président de l'Association des trophées francophones du cinéma, le Montréalais Henry Welsh, a annoncé hier que la nouvelle remise de prix que l'ATFC chapeaute, annoncée à pareille date l'an dernier à Cannes, aura lieu pour la première fois en juillet 2013.




Cette cérémonie sera diffusée en direct sur une chaîne de télévision du pays hôte, membre de l'Organisation internationale de la francophonie (excluant la France, la Belgique et le Canada, où la francophonie est bien implantée) ainsi que sur TV5 Monde.




Neuf prix seront décernés dans différentes catégories. L'annonce du pays d'accueil et des membres de l'Académie se fera dans le cadre du prochain Festival international du film francophone de Namur. Les films en lice seront annoncés en février et les finalistes dévoilés au prochain Festival de Cannes.