Leur «grand soir», Gustave Kervern et Benoît Delépine l’ont orchestré de jour, mardi à Cannes, devant les photographes: aidés de Benoît Poelvoorde et d’Albert Dupontel, les deux réalisateurs ont saccagé le comptoir contre lequel cinéastes et acteurs prennent la pose.



Une entrée en matière potache - vite pardonnée par la direction du Festival -, pour résumer Le grand soir, nouveau long métrage du duo déjanté que forment Kervern et Delépine révélés par la chaîne de télévision Canal +.

En sélection officielle (Un certain regard), Le grand soir, film résolument punk, prône le «hors-la norme», dans un éloge déjanté de la révolution, rythmé par les rocks revendicatifs des Wampas.

En «plus vieux punk à chien d’Europe», Benoît Poelvoorde livre une composition épatante : le fils aîné, sans domicile fixe et antisocial assumé des Bonzini, gérants d’un restaurant rapide, La pataterie, dans une zone commerciale désespérante.

Leur deuxième fils, Jean-Pierre (Albert Dupontel) a choisi la «norme» et une vie conventionnelle en vendeur à la commission dans un magasin de literie. La crise est là, les matelas ne font ni pas recette : un beau jour, le fils idéal est licencié.

Les deux frères que tout séparait, se retrouvent et deviennent copains de galère, crête iroquoise en signe de reconnaissance. Dans ce «road-movie» en cercle fermé réunissant le centre commercial et la zone pavillonnaire tout aussi déprimante, le premier entraîne le second en totale punk-attitude.

«Tu aurais dû nous prévenir: c’est dur la vie !», lance un de fils aux parents qui, loin d’être épargnés par la crise, finiront par les rejoindre pour faire la révolution à leur manière, dans le parking abandonné d’une grande enseigne de bricolage.

Gustave Kervern et Benoît Delépine s’offrent une distribution sur mesure pour leur cinquième film, après Mammuth en 2010 dans lequel Gérard Depardieu joue un improbable voyant qui prédit l’avenir dans l’alcool de riz, tandis que l’inclassable et très baroque Brigitte Fontaine est désopilante en marâtre lunaire.

«On voulait faire un film sur un journaliste de province qui part à New York enquêter sur le 11 septembre. On s’est aperçu que çà allait trop faire «Théorie du complot». On est parti sur autre chose, la mythologie grecque à Montpellier avec un Diogène moderne, le punk à chien, quelqu’un qui laisse tout tomber pour vivre dans un tonneau», explique Gustave Kervern.

«Ce qui est intéressant, c’est que chacun des personnages du film fait sa révolution, y compris les parents (...) Le punk, ce n’était pas seulement la musique mais un rejet de la société de consommation, sans le côté baba cool», renchérit Benoît Delépine.

Kervern et Delépine ont gagné leur pari : ce film sur les laissés-pour-compte de la société, traité comme une franche comédie, a été applaudie cinq bonnes minutes en projection de presse.