Un moment magique a eu lieu ce matin sur la Croisette. Quatorze ans après s’être complètement retiré du monde du cinéma, Jean-Louis Trintignant a effectué son grand – et unique – retour dans Amour, la nouvelle offrande de Michael Haneke.







Dans ce film admirable, un autre dans la carrière du réalisateur du Ruban blanc, un vieil homme apprend à se détacher de celle qu’il aime depuis si longtemps, coincée dans les affres d’une maladie dégénérative.




La trop rare Emmanuelle Riva, révélée il y a plus de 50 ans dans Hiroshima mon amour, incarne avec sensibilité et justesse cette femme aimée, dont l’esprit s’évapore de plus en plus. Isabelle Huppert interprète la fille du couple.




Jean-Louis Trintignant, aujourd’hui âgé de 81 ans, est arrivé à la conférence de presse un peu fragile, s’appuyant sur une assistante pour marcher, mais le cœur visiblement ravi.




Accueilli par une salve d’applaudissements bien nourrie (les épanchements de ce genre sont rares de la part des journalistes à Cannes), l’acteur a levé les deux bras en signe de victoire, un peu comme s’il s’agissait d’une retrouvaille longtemps souhaitée et attendue.




«Je n’ai rien tourné depuis le film de Chéreau Ceux qui m’aiment prendront le train, a-t-il rappelé. Et nous étions venus à Cannes avec le film. Je n’ai rien tourné depuis, car je ne voulais plus. Je préférais me consacrer au théâtre. Mais une proposition de Michael Haneke, l’un des meilleurs metteurs en scène du monde, constitue une chose trop exceptionnelle. On ne peut rater pareille opportunité. Je suis heureux d’être à Cannes avec ce film, car j’en suis très fier. Même s’il fut douloureux à faire. Je m’estime toujours meilleur au théâtre, car je ne peux pas me voir. Là, c’est pourtant la première fois en une centaine de films que je peux dire avoir été content de m’être vu. Mais je n’en ferai plus d’autres !»




Haneke a écrit Amour spécifiquement pour Jean-Louis Trintignant. Le cinéaste, maintenant septuagénaire, a eu l’idée de ce film en puisant dans ses propres préoccupations. «À mesure qu’on vieillit, nous sommes forcément confrontés à la souffrance de ceux qu’on aime, explique-t-il. Si on accroche une réalité sociale au passage tant mieux, mais je n’écris jamais avec le but précis de livrer un message.»




Sans complaisance





Haneke raconte ainsi, sans complaisance aucune, la nouvelle dynamique qui s’installe dans ce couple de personnes âgées le jour où Anne est victime d’un accident. Georges prend soin d’elle. Avec une infinie dévotion. Mais aussi le détachement de celui qui doit faire le deuil de son amour.




Comme toujours dans le cinéma d’Haneke, la mise en scène d’Amour est marquée d’une extrême précision, d’une rigueur exceptionnelle, et de compositions sublimes des acteurs en présence.




Emmanuelle Riva, présente aussi à la conférence de presse tenue aujourd’hui, a évoqué un «très grand bonheur».  «Je dirais presque voluptueux !», a-t-elle même ajouté. L’actrice était tellement investie du personnage qu’elle a décidé d’habiter dans une loge aux studios d’Épinay pendant les deux mois qu’a duré le tournage.




«J’étais en grande confiance, a-t-elle déclaré. Même dans les moments plus difficiles. Quand Michael m’a dit : «Surtout, pas de sentimentalité», c’est à ce moment que j’ai tout compris. Je courais vers le plateau le matin. J’avais hâte de reprendre la communication !»




De l’expérience de tournage, Jean-Louis Trintignant a aussi évoqué «un grand bonheur».




«Mais il fut difficile. Je n’avais jamais rencontré un metteur en scène aussi exigeant. Michael connaît aussi toutes disciplines du cinéma. C’est très difficile, je ne vous le conseille pas !», a-t-il lancé avec humour.




La salle des conférences fut d’ailleurs saisie d’un grand éclat de rire quand l’acteur a raconté qu’il aura fallu faire appel à deux pigeons pour une scène dans laquelle on n’en voit qu’un seul. «Michael est tellement exigeant que le premier a craqué !»




Isabelle Huppert, qui retrouve ici son réalisateur de La Pianiste pour un rôle de soutien, confirme l’exigence du cinéaste.




«Oui Michael est exigeant, mais on est largement récompensé. J’aime bien me voir dans les films de Michael moi aussi. C’est très gratifiant !»




Sony Pictures Classics a acquis les droits d’exploitation d’Amour aux États-Unis. Le film sera relayé par Métropole Films au Québec. Aucune date de sortie n’est encore fixée.