Au volant d’une rutilante Maserati, un grand Black file à tombeau ouvert comme s’il venait de faire un hold-up. Son passager semble bien apprécier la course, même s’il n’a plus que quelques muscles du visage pour s’exprimer. Ils se font interpeller. Le passager simule une crise d’épilepsie. D’illégale, la folle balade des deux « intouchables » se termine sous escorte quasi présidentielle après que Driss, le chauffeur, ait envoyé à la figure des policiers leur propre insensibilité. Ce moment de douce délinquance donne d’entrée de jeu le ton à cette comédie généreuse, au cours de laquelle on retracera le parcours d’une amitié aussi improbable qu’inattendue.



Intouchables ne réinvente pas la roue, certes, mais le tandem Éric Toledano et Olivier Nakache a su utiliser à bon escient les ressorts comiques et dramatiques d’une histoire inspirée d’un cas réel.

Pour l’accompagner dans sa vie quotidienne, Philippe (François Cluzet), riche industriel devenu tétraplégique à la suite d’un accident de parapente, décide d’embaucher comme aide-soignant Driss (Omar Sy), échalas issu des banlieues. Driss n’a strictement aucune expérience dans le domaine, mais il obtient le poste grâce à sa nature divertissante. Le récit repose ainsi sur le choc de deux classes, deux cultures, deux générations qui n’auraient pratiquement rien en commun en apparence. La rencontre entre deux pôles extrêmes en quelque sorte.

L’entourage de Philippe est bien entendu abasourdi d’abord par l’arrivée dans le château doré de cet être décomplexé qui enchaînera les gaffes et les fautes de goût. Mais le charme opère. Avec sa dégaine de fauve, Driss amène aussi avec lui la culture de la rue. Qui entre à pleines fenêtres dans cet endroit où ne règnent que conventions engoncées et tristes rituels. Driss aura tôt fait d’incendier la place de son sourire irrésistible et de son énergie communicative. Qui a dit qu’on ne pouvait danser sur du Earth Wind & Fire dans un salon XVIIIe où ne résonnaient jusqu’alors que les notes d’un concerto de Vivaldi ou d’une Nocturne de Chopin ?

Heureusement, Toledano et Nakache, à qui l’on doit notamment Nos jours heureux et Tellement proches, ne misent pas uniquement sur ce jeu de contrastes. Leur film fonctionne parce qu’il accroche aussi quelque chose de l’air du temps.

Intouchables bénéficie aussi de l’évidente complicité des deux acteurs. Même s’il a un rôle plus sobre et plus effacé, François Cluzet propose néanmoins une composition remarquable. Face à lui, Omar Sy fait flèche de tout bois. À tel point qu’il en a décroché le César du meilleur acteur il y a quelques semaines, damant ainsi le pion à l’oscarisé Jean Dujardin.

Véritable film phénomène en France, où il a attiré plus de 19 millions de spectateurs, Intouchables indique qu’une cohabitation est possible entre personnes issues de tous milieux. En ces temps de crises, où le repli sur soi découle trop souvent d’un vieux réflexe, que voilà un message bienvenu.

INTOUCHABLES


***1/2


Comédie réalisée par Éric Toledano et Olivier Nakache. Avec François Cluzet, Omar Sy, Anne Le Ny, Audrey Fleurot. 1h52.