On discourt beaucoup, ces temps-ci, au sujet de l'intimidation en milieu scolaire, sujet complexe et duquel, en le fouillant à fond, on ne peut tirer des questions fondamentales et sans réponse instantanée, à propos de la souffrance, de la méchanceté et des sombres mystères de la psyché humaine.



Ce documentaire, au demeurant fort bien ramassé, efficace et tout à fait pertinent, relève de la formation morale et du cinéma pédagogique de sensibilisation sociale. Et sans doute parviendra-t-il effectivement à éveiller quelques consciences endormies. En ce sens, mais en ce sens seulement, Bully, du documentariste Lee Hirsch, est un film important.

Contrairement à ce que laisse envisager son titre un peu trompeur, même si l'affiche indique par un trait qu'il s'agit d'une charge contre l'intimidation, Bully ne s'intéresse pas aux bourreaux, mais à leurs victimes, et à ce que nous devrions faire, collectivement, sinon pour remédier au problème, au moins pour éviter qu'il ne s'aggrave. Quant à savoir pourquoi certains écoliers suscitent, malgré eux, des accès de violence gratuite avec l'approbation ou l'indifférence générale, et quant à savoir pourquoi les délinquants s'en prennent avec autant de cruauté aux êtres les plus inoffensifs, il faudra attendre un autre documentaire.

Tourné dans quelques bourgs américains pendant l'année scolaire 2009-2010, le film ne s'embarrasse pas de chercher à comprendre le phénomène pour mieux l'expliquer. On nous propose plutôt une galerie de portraits et un collage de vibrants témoignages, ceux des intimidés présentés comme autant de martyres. Ces témoignages, tous plus poignants les uns que les autres, nous tirent une larme ici et là à coups de jolie musique et d'habile montage.

Comment rester insensible au sort quotidien de ce garçon timide, au visage pour le moins atypique, pour qui chaque journée de classe est un véritable calvaire? Comment ne pas éprouver de l'empathie pour cette garçonne, jeune gaie avouée, fille brillante et dynamique qu'on refuse dans les compétitions sportives, qu'on rejette comme une pestiférée? Et enfin, comment ne pas partager l'épouvantable désarroi de ce père dont le fils, éternelle tête à claques de l'école, a fini par se mettre la corde au cou à force ne se faire dire « Va te faire pendre »?

Tout cela est parfaitement juste et bon. Personne n'est pour le lynchage injustifié des faibles, des marginaux et des laissés pour compte. Il faut parfois nous rappeler que l'intimidation est une chose sérieuse qu'on assimile trop hâtivement aux affres ordinaires de la vie scolaire. On émerge de Bully ému, troublé, remué, réaffirmé, mais pas nécessairement plus avancé. Qu'y aura-t-on appris sinon que faire mal, ce n'est pas gentil?




Bully. Documentaire de Lee Hirsch 1H40