Selon toute vraisemblance et jusqu'à preuve du contraire, l'une des plus importantes collections de voitures anciennes au monde repose, loin des regards indiscrets, dans quelques entrepôts fermés à double tour à Thetford Mines, au coeur du Québec.

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Il s'agit d'une sorte de musée virtuel renfermant un incomparable assortiment de voitures d'époque soigneusement restaurées et qui ne demandent qu'à briller de tous leurs feux sous les réflecteurs d'un vrai musée.

Heureusement, ces trésors cachés sortiront peut-être bientôt de l'anonymat. Pauvre en attraction touristique, la ville de l'amiante pourrait bien devenir le site d'un musée automobile d'envergure internationale.

C'est du moins le voeu que formule un groupe d'homme d'affaires de la ville dirigé par M. Florent Laflamme qui s'est donné pour mandat de convaincre les diverses instances gouvernementales d'investir dans ce projet. Chose certaine, M. Roger Demers et ses deux frères Serge et Michel, propriétaires d'un nombre impressionnant de voitures de collection acquises à travers le monde sont prêts à s'impliquer dans ce projet en prêtant leurs précieuses acquisitions.

Des trésors invisibles

Pour l'instant, ces voitures, dont le nombre est estimé à près d'un demi-millier, sont entreposées dans divers bâtiments et à part une participation à divers évènements promotionnels, elles n'ont jamais été vues publiquement. Cette discrétion chez les propriétaires d'une telle richesse tient à leur insistance d'éviter toute ostentation.

À l'inverse de ce que l'on peut voir dans trop de musées consacrés à l'automobile, la collection qui nous intéresse ne s'attarde pas à de vieilles Ford Modèle T, mais à des modèles très rares dont certains n'ont été produits qu'à quelques exemplaires et qui, par leur prééminence, leur esthétique ou leur mécanique d'avant-garde, ont joués un grand rôle dans l'histoire de l'automobile.

La Bugatti de Riopelle

Il faudrait des pages et des pages pour aligner ne serait-ce que quelques-uns des modèles les plus prestigieux de cette collection qui se démarque par un éclectisme tout à fait remarquable. Ainsi, trois voitures ayant appartenu au célèbre peintre Jean-Paul Riopelle enrichissent la collection, soit la fameuse Bugatti Type 57 de 1936 carrossée par Letourneur et Marchand, une Citroën 11 BL cabriolet de 1939 et, finalement, une Jaguar XJ 6 4,2 litres 1978 considérée à l'époque comme l'une des dix plus belles berlines au monde. «Juste au choix de ses voitures, on voit tout de suite que Riopelle était un visionnaire » souligne Roger Demers qui connaît chacune de ses possessions sur le bout de ses doigts. Il parle avec abondance également de ses dernières trouvailles, une Talbot Lago cabriolet Figoni et Falaschi datant de 1947.

Avec un bagage de connaissances que l'on ne rencontre pas tous les jours, M. Demers exulte quand il nous entretient de la Packard Darin Cabriolet 1940 qu'il vient d'acquérir après de longues recherches. Construite à seulement 50 exemplaires, il n'en resterait pas plus que 3 ou 4 en existence.

Anciennes et nouvelles

Curieusement, les frères Demers n'en sont pas moins friands de voitures plus actuelles, comme en témoigne leur achat récent de l'une des dernières Mercedes McLaren SLR à sortir des chaînes de montage de l'usine.

Au moment de notre rencontre, Roger négociait avec la firme allemande pour acheter la toute dernière SLR produite qui exhibait ses courbes au dernier Salon de l'auto de Toronto. Mercedes n'est pourtant pas leur marque de prédilection, une distinction qui revient à Jaguar. Toute la famille roule en Jaguar et leur collection comprend même 8 modèles flambant neuf de la XK-S. Si l'une tombe en panne, il y en a toujours une autre pour assurer la relève.

Presque toutes les marques, anciennes ou actuelles sont représentées dans la collection Demers, depuis une Alfa-Roméo Ghia construite expressément pour un salon automobile jusqu'à une Vector, le rêve fou d'un entrepreneur californien qui n'a pas encore fini de rembourser les dettes accumulées dans ce projet.

D'autres voitures font revivre des marques américaines aujourd'hui disparues comme les Auburn et les Cord qui posent fièrement au milieu des Cadillac, Ferrari, Lamborghini, Corvette, Aston Martin (celle de James Bond), Rolls-Royce et autres stars des années folles de l'automobile.

Les frères Demers ont l'oeil quand il s'agit de s'approprier une perle rare et il ne reste plus qu'à souhaiter que les autorités gouvernementales aient autant de perspicacité en libérant les fonds qui permettraient à une région pauvre en attraction touristique de se doter non pas d'un simple musée automobile comme tant d'autres, mais de l'un des plus fantastiques du monde.