Alors qu'il semblait impossible de compliquer davantage la foire d'empoigne entre les compagnies de taxis, Über, les sociétés de transports publics, les sociétés d'autopartage et les municipalités, voici qu'un gorille de 1000 livres saute dans l'arène. Le géant multinational Google veut lancer un service de transport urbain avec ses voitures autonomes, annonce l'agence de presse Bloomberg.

Le plan de Google serait de se concentrer d'abord à l'intérieur de zones semi-privées comme des campus universitaires ou des complexes d'affaires, puis dans un deuxième temps, d'étendre le service aux villes, ont dit à Bloomberg des sources ne voulant pas être nommées. Google utiliserait à la fois de petits et de grands véhicules, pouvant ainsi faire concurrence à Über, aux taxis et aux services de transports en commun.

Bien du monde à convaincre

Le service Google commencerait uniquement dans les quelques États où l'auto autonome est permise et seulement si la compagnie convainc les législateurs de la sécurité d'un taxi sans pilote (plusieurs États permettant la circulation des voitures autonomes exigent pour l'instant la présence d'un surveillant capable de prendre le volant si nécessaire).

En se lançant dans la mêlée contre les sociétés de taxis et Über, Google donnera au public (et à ses actionnaires) la première explication tangible du plan d'affaires qu'elle suit depuis qu'elle a commencé à développer des autos sans conducteur en 2009.

Technologiquement, c'est sûrement faisable. Mais ça risque de compliquer la vie de tous les acteurs actuels... sauf les consommateurs, qui vont avoir plus de choix, pour l'instant du moins. Les administrations municipales seraient interpellées par l'arrivée éventuelle de Google. Elles en ont déjà plein les bras avec les méthodes d'Über et tentent de trouver un modus vivendi acceptable pour les exploitants de services de taxi.

En plus, le mercredi 16 décembre dernier, Über a lancé dans la région de Toronto un service de navette sur des itinéraires fixes et respectant un horaire préétabli (pas besoin d'appeler).

Le service du contentieux du service de transports en commun de la Ville a aussitôt confié à ses avocats d'examiner la légalité de ce nouveau service d'Über (dans les grandes villes canadiennes, le service d'autobus est public et il jouit d'un monopole).

Oubliez les petites Google Cars

Cependant, il semble que les passagers d'un éventuel service urbain Google n'auront pas la chance de rouler dans les petites voitures construites par Google pour ses essais en Californie. Une source a dit à l'agence Bloomberg que Google a décidé de ne pas se lancer dans la production automobile. Ses systèmes de pilotage automatique seraient installés sur des véhicules produits par les grands constructeurs.

Google et ses voitures sans chauffeurs auraient un avantage marqué sur la concurrence: pas de chauffeurs à payer, justement. Donc pas de formation, pas d'examen au Bureau de taxi, et pas de vérification de sécurité à faire.

À condition, bien entendu, que les gouvernements donnent à Google l'autorisation de faire rouler ses voitures autonomes sans chauffeur. Et c'est loin d'être acquis.

Indépendamment de la levée de boucliers universelle à laquelle on peut s'attendre - ce serait ironique d'entendre Über se plaindre d'être une victime de la technologie et de concurrence déloyale -, des voix s'élèvent même en Californie pour interdire l'auto purement autonome, même conduite par des conducteurs ordinaires.

Douche froide californienne

Les élus de l'État de Californie ont déposé récemment un projet de règlement qui empêcherait tout constructeur de voitures autonomes de mettre sur la route des véhicules dépourvus de volant et de pédales (de tels prototypes sont envisagés). Les véhicules autonomes seraient tenus d'être supervisés par un humain situé derrière le volant et détenant un «certificat d'opérateur de véhicule autonome» en cas d'avarie.

Cette réglementation est seulement au stade de projet, mais sa mise en application par le Department of Motor Vehicles (DMV, la SAAQ californienne) signerait l'arrêt de mort de toute idée de service de véhicules robotisés assurant le transport des passagers, du moins dans l'avenir immédiat.

Ce règlement ne fermerait pas la porte à jamais, seulement jusqu'à ce que des tests de sécurité plus approfondis aient été faits.

Cela n'empêchera pas Google d'essayer de pousser son modèle d'affaires.

D'ailleurs, Über voit venir ce type de concurrence depuis longtemps. L'entreprise a investi plus de 10 millions de dollars dans un projet de recherche conjointe avec le programme de recherche robotique de l'Université Carnegie-Mellon, à Pittsburgh. Über a aussi engagé l'ancien vice-président de l'ingénierie de Google, Brian McClendon, pour diriger le Centre de technologies avancées Über.