De son vivant, Steve Jobs en a rêvé, séduit qu'il était par ce que faisait Tesla. Son successeur Tim Cook fera-t-il construire une voiture Apple ? Le géant des communications s'est lancé dans un vaste programme de conception d'une voiture électrique, baptisé Titan. Mais Apple a beau avoir une trésorerie estimée à 180 milliards, les défis qui l'attendent lui sont totalement inconnus. Au point de le décourager ?

APPLE, UN NOVICE

Apple, manufacturier automobile ? Il n'y a qu'un pas que pourrait faire allègrement le géant, si l'on en croit les informations qui ont filtré ces dernières semaines. En se lançant dans son projet Titan, Apple part réellement de zéro en matière d'automobile.

« Apple ferait bien d'examiner cela attentivement s'il veut entrer dans le noyau dur de ce secteur manufacturier. On utilise de l'acier, de l'acier brut, et on le transforme en voiture. Ils n'ont aucune idée dans quoi ils s'embarquent, s'ils s'y embarquent », a averti récemment Dan Akerson.

Comme certains analystes, celui qui était il y a un an président de General Motors estime que, quitte à vouloir vraiment avoir un pied dans cette industrie, Apple ferait mieux de se concentrer sur son système d'exploitation CarPlay, justement destiné aux autos.

Car mettre au point un téléphone est un jeu d'enfants comparativement à l'assemblage d'une voiture.

DES MARGES FAIBLES

La véritable première embûche d'Apple, s'il persévère dans cette voie, sera cependant de convaincre ses actionnaires du bien-fondé de cette entreprise, et surtout de son intérêt financier.

Contrairement à la croyance populaire, l'industrie automobile ne dégage pas de marge mirobolante. L'agence de presse économique Bloomberg a calculé que la marge brute d'Apple était de 40 % au quatrième trimestre de 2014, alors que celle de GM, par exemple, n'excédait pas les 14 % à la même période.

« Regardez les marges d'un iPhone et d'une voiture, je préfèrerais avoir celles associées au téléphone et en produire des dizaines de millions », a d'ailleurs illustré, auprès de l'agence, Dan Akerson.

DES PERTES ÉNORMES

Se lancer dans l'industrie automobile, c'est accepter d'essuyer des pertes parfois très lourdes, surtout lorsqu'on choisit une filière émergente telle que la voiture électrique - comme le fait Apple. Toyota en sait quelque chose. Pendant plus de 15 ans, le constructeur japonais a produit à perte sa Prius, pourtant l'hybride la plus populaire du monde.

Depuis 2008, Tesla a accumulé des pertes de 1,3 milliard US. Une tendance qui ne s'inversera pas avant cinq ans. Et ce, malgré le succès commercial de sa Model S.

C'est le genre de contretemps que ne connaissent pas les investisseurs d'Apple. Et qu'ils n'aimeront pas.

« Pour Apple, le problème n'est pas de payer pour construire une voiture, c'est d'avoir un retour sur investissement », a indiqué à Bloomberg Erik Gordon, professeur d'économie à l'Université du Michigan.

ÇA COÛTE CHER

Mais Apple a beau crouler sous des dizaines de milliards de dollars de fonds propres, rien que la recherche et le développement, ça coûte cher dans l'automobile. Très cher. L'an dernier, le Groupe Volkswagen a dépensé plus de 15 milliards US dans ce domaine. Honda a été l'un des plus sages en y investissant 5 milliards. Seulement pour de la recherche.

PRODUCTION PLUS EXIGEANTE

Au-delà du fait qu'Apple devra apprendre vite dans cette industrie automobile, il sera confronté à des paramètres de production qu'il ne connaissait pas jusqu'ici. Le progrès met beaucoup plus de temps à se matérialiser dans l'industrie automobile que dans celle des télécommunications. Essentiellement parce que les enjeux de sécurité sont très importants et les règles qui s'y rapportent, très exigeantes. Dans cette industrie, les normes environnementales à respecter sont également de plus en plus strictes et l'optimisation de la consommation est à la fois obligatoire et très concurrentielle. Le tout dans un contexte où les États sont plus vigilants et les rappels, plus nombreux et plus onéreux.

« Apple n'était pas dans la téléphonie à l'origine et il y a réussi. L'industrie automobile sera plus difficile de deux degrés de magnitude. Vous pouvez facilement vous entendre avec une entreprise chinoise pour le simple assemblage d'un téléphone, mais vous ne pouvez pas le faire aussi facilement pour l'assemblage compliqué de voitures », rappelle Erik Gordon.