Quelqu'un sait faire du cyclododécatriène?

Ça n'a pas fait la une des journaux, mais un incendie qui a rasé une usine chimique le 31 mars à Marl, au fin fond de l'Allemagne, cause une angoisse géante dans l'industrie automobile. L'approvisionnement mondial d'une résine au nom poétique de «nylon polyamide 12» (PA 12, pour les intimes) a été compromis par une explosion qui a tué deux ouvriers et mis le feu au bâtiment. L'usine d'Evonik Industries était presque un fournisseur unique, pour l'Europe et l'Amérique du Nord, de cyclododécatriène, ingrédient de base du nylon PA 12 utilisé pour faire des canalisations d'essence et de freins.

Pas de cyclododécatriène, pas de PA 12.

Pas de PA 12, pas de ligne de freins ni d'essence... on ferme les usines!

Des réunions au sommet des constructeurs automobiles à Detroit ont eu lieu la semaine dernière et des mesures d'urgence ont été prises avec Dupont et BASF Chimie pour pallier la crise. Malgré cela, il n'est pas impossible que certaines usines d'assemblage doivent fermer temporairement, le temps que l'usine chimique d'Evonik soit reconstruite, ce qui prendra des mois.

En attendant, avis aux lecteurs de La Presse qui ont l'esprit d'entrepreneuriat, un vieux jeu de chimie dans le grenier et un baril de 40 gallons dans le garage (et qui n'ont pas peur des explosions mortelles): la formule moléculaire du cyclododécatriène est C12H18 et la recette a l'air simple comme bonjour. Elle est disponible sur l'internet. Il suffit de «trimériser du butadiène avec du tétrachlorure de titane et un co-catalyseur organoaluminé pour obtenir une cyclène». Trop facile... Tiens, on vous fait même un dessin (voir ci-dessus).

En fait, s'il faut vraiment vous faire un dessin, n'essayez pas ça à la maison. Ce n'est pas pour rien que l'usine allemande a sauté, nous explique Louis Cartier, anciennement ingénieur chimiste chez Basell, à Varennes, et qui a fabriqué des polymères durant 27 ans: «les organoaluminés sont extrêmement dangereux. Ils prennent instantanément feu en présence d'air et explosent en présence d'eau», dit-il. Le tétrachlorure de titane n'est pas un client plus facile, note M. Cartier: «en présence d'eau, il se décompose pour former un nuage toxique d'acide chlorhydrique.»