Les voitures «vertes» sont toujours là, mais plutôt en arrière-plan: au salon de Detroit, les constructeurs automobiles mettent surtout en vedette de nouveaux gros 4x4 et des sportives déchaînées, reflet d'un pétrole bon marché et d'une confiance retrouvée.

C'est ainsi que l'on a vu le PDG de Renault-Nissan Carlos Ghosn, réputé pour sa foi dans les voitures électriques, se muer en VRP du bien nommé Nissan Titan, pick-up de plus de cinq mètres de long capable de tracter des remorques de cinq tonnes.

«Voici le pick-up que les amateurs américains attendaient», a lancé M. Ghosn, à propos de ce modèle équipé dans un premier temps d'un V8 diesel de cinq litres de cylindrée.

Pour Nissan, qui vise 10% de part de marché aux États-Unis d'ici deux ans, proposer un pick-up compétitif est un passage obligé: le segment des camionnettes, 4x4 et autres grosses voitures représentait 55% des véhicules particuliers vendus en 2014, en hausse de 10% d'une année sur l'autre. Les voitures classiques, quant à elles, n'ont progressé que de 1,8% dans le même temps.

«Depuis trois mois, les préférences des consommateurs ont changé dans tout le pays. Des petits multisegments et des voitures moyennes, on est passé à des gros utilitaires, des 4x4 et même à des voitures de luxe», observe Alec Gutierrez, spécialiste du marché chez Kelley Blue Book.

«Cette tendance est durable parce que l'on s'attend à ce que les prix de l'essence restent bas au moins pendant encore six mois», ajoute-t-il. Le baril de brut à New York valait lundi à peine plus de 46 dollars, un plus bas depuis mars 2009.

Aluminium et turbocompresseurs

Cas d'école, Volkswagen a vu ses ventes flancher de 10% l'année dernière en raison, du propre aveu des dirigeants du groupe allemand, des carences de sa gamme de 4x4 et multisegments.

Du coup, la marque de Wolfsburg a présenté lundi à Detroit une voiture concept, le «Cross Coupé GTE», préfigurant le 4x4 râblé qui sera bientôt produit dans son usine du Tennessee, spécialement pour le marché américain.

Tous les constructeurs en quête de parts de marché et de marges semblent avoir fait le même calcul, et c'est à une véritable explosion de 4x4 qui a eu lieu dès lundi.

Audi, cousin de Volkswagen, a ainsi montré la nouvelle incarnation du Q7, le plus gros véhicule de sa gamme. Toyota, champion des hybrides, secteur en perte de vitesse, a surtout parlé de son nouveau pick-up Tacoma, même si la «Mirai» à hydrogène déjà vue au Mondial de Paris trônait à l'entrée de son stand.

Il y avait même un concept de pick-up sur le kiosque du sud-coréen Hyundai. GM a bien présenté de nouveaux véhicules «verts», la Bolt 100% électrique et la Volt hybride, mais son stand restait dominé par les 4x4.

L'élitiste Bentley a également annoncé son premier VUS, le Bentayga, qui sera commercialisé en 2016. Jaguar, autre prestigieuse marque britannique, contrôlée par l'indien Tata Motors, a indiqué lundi qu'elle franchissait à son tour le pas vers ce segment auquel penserait également Alfa Romeo.

Amnésie ou déni, alors que le président Barack Obama a prévenu que les prix de l'essence ne resteraient pas aussi bas à long terme? Au contraire, souligne M. Gutierrez: les marques «ont incorporé de nouvelles technologies dans leurs véhicules pour leur faire consommer moins» d'essence sans passer par une réduction de la taille, explique-t-il.

Le Ford F-150, vedette pérenne des camionnettes, utilise ainsi l'aluminium et des V6 à turbcompresseur plutôt que l'acier et des V8 encore privilégiés il y a deux ans. Côté Allemands, Mercedes-Benz et BMW fourbissent leur offre de VUS hybrides rechargeables, déjà disponibles chez Porsche, et le «Cross Coupé GTE» de Volkswagen se veut politiquement correct, puisque capable, assure la marque, de couvrir 32 km en mode électrique.

Même modération relative parmi les tonitruantes «supercars» de plus de 500 chevaux présentés lundi par Ford et Honda: la GT du constructeur américain et la NSX du Japonais ont eux aussi recours à des V6 biturbo, assortis de moteurs électriques chez Honda.