Le design soigné des voitures qui sont présentées à partir de lundi au salon automobile de Detroit cache en réalité des similitudes troublantes sous la carrosserie de ces véhicules, construits de plus en plus souvent sur des bases communes.

Confrontée aux coûts croissants des matières premières et à la nécessité de créer de nouveaux modèles de plus en plus vite, l'industrie automobile produit de plus en plus des véhicules qui partagent des composants de base et une architecture sous-jacente communs.

«De tels programmes peuvent coûter jusqu'à un milliard de dollars», souligne Bruce Belzowski, directeur associé de l'analyse automobile à l'Institut des transports de l'université du Michigan: «En produisant plus de véhicules à partir d'une même plateforme, vous économisez de l'argent».

Ce partage des plateformes est l'une des stratégies clés de Sergio Marchionne dans sa volonté de rapprocher les constructeurs Chrysler et Fiat. M. Marchionne parmi d'autres avait prédit depuis longtemps l'extrême consolidation de l'industrie automobile, soulignant la nécessité pour les groupes du secteur d'atteindre des économies d'échelle en produisant au moins 5 millions de véhicules par an pour survivre.

Le partage de plateformes communes permet également aux producteurs automobiles de réduire drastiquement le temps nécessaire pour dessiner de nouvelles voitures et les mettre sur le marché, souligne le chef du design de Chrysler, Ralph Gilles.

M. Gille a supervisé le design de la nouvelle Dodge Dart, présentée lundi au salon de Detroit, et qui partage une plateforme commune avec l'Alfa Romeo Giulietta.

«Nous avons gagné deux ans et économisé énormément d'argent», expliquait-il dans un récent entretien avec l'AFP: «La plateforme de la Giulietta est excellente et très flexible». Mais si la Dart partagera de nombreux éléments avec la Giulietta, ce sera une voiture totalement différente, souligne-t-il.

Pour le directeur général de Ford Alan Mulally, l'utilisation accrue de plateformes communes est également une des explications du redressement de la firme américaine, dont les ventes ont augmenté de 11% en 2011.

En négociant avec ses fournisseurs des prix moins élevés --une manoeuvre permise par l'achat en plus grand nombre de certaines pièces communes--, le groupe a ainsi pu faire des économies.

Selon Joe Philippi, un analyste automobile américain indépendant, la mise en place de telles plateformes permet entre autres de faire les économies les plus intéressantes sur les composants les plus onéreux, comme l'architecture électrique des véhicules, leur transmission ou les équipements de sécurité.

Cette méthode a été l'un des éléments-clés du succès des constructeurs japonais, souligne Sean McAlinden, chef économiste au Centre pour la recherche automobile. «Honda n'utilise que trois plateformes pour tous les véhicules qu'il vend dans le monde», pointe-t-il.

Cette évolution n'a pas échappé au numéro un américain, General Motors (GM), qui souhaite réduire à l'avenir le nombre de plateformes qu'il utilise. Les efforts menés en ce sens ont déjà permis au groupe d'économiser un million de dollars par an et des économies plus importantes encore en sont attendues, explique Mary Barra, vice-présidente chargée du développement global de GM.

«C'est la même histoire qu'avec les plateformes que nous avons pour nos moteurs: en 2009 encore, nous avions 20 plateformes différentes dans le monde. Au cours des prochaines années, notre but est de n'en avoir plus que 10», a-t-elle souligné au cours d'un discours devant l'association américaine des journalistes automobile.

La méthode n'est pourtant pas sans danger: GM avait déjà tenté de limiter le nombre de ses plateformes dans le passé. Mais ses tentatives avaient échoué parce qu'elles avaient abouti à la production de modèles trop peu différents les uns des autres, rappelle l'analyste Alan Baum, de Baum & Associés.