À une époque où l'argent a été sacralisé à l'encontre de cette passion insatiable qui a vu naître la première Porsche après la Seconde Guerre mondiale, l'important n'est plus de courtiser un petit groupe de fanatiques, mais bien de faire monter la valeur des actions en bourse.

Cette brève entrée en matière signifie que le nom de Porsche, au fil des ans, a su s'entourer d'une telle dévotion que l'on peut maintenant l'utiliser pour vendre à peu près n'importe quoi depuis des montres, des lunettes, des cafetières, des stylos et bien entendu des véhicules d'une autre nature que la légendaire 911 ou sa devancière la 356, tel l'utilitaire sport Cayenne ou la dernière création de Stuttgart, la Panamera, première berline à revêtir le blason de la ville où elle a été conçue.

 

Si vous cherchez l'équivalent d'une Porsche 911 4 places et 4 portières, oubliez tout de suite la nouvelle Panamera. Celle-ci est davantage une berline sportive ou une voiture Grand Tourisme ayant pris du volume qu'une authentique voiture de sport qui enfile les épingles sans que ses pneumatiques crient au secours et dont le capot surbaissé semble esquisser un sourire chaque fois que la route se met à slalomer.

Une voiture corpulente

Avec la Panamera, son poids (devrions-nous dire son embonpoint?) et son gabarit la rendent malhabile dans les virages qui se resserrent un peu trop. Les pneus hurlent à qui mieux mieux et la voiture demande grâce. C'est sans doute le seul aspect négatif de son comportement routier, car, dès que le virage prend de l'amplitude, cette Porsche 4 portière adopte une tenue incroyablement rassurante. Et plus la courbe s'allonge, plus elle est vissée au bitume.

 

Ces impressions ont été recueillies à bord d'une Panamera 4 S avec la suspension ajustée sur «Sport Plus», un réglage dont le revers est un confort qui fera réagir les petites natures. Comme il est peu probable que cette berline voit un jour le S du virage Senna, on peut se demander quelle est la véritable utilité d'une suspension aussi dure que celle d'une voiture de course.

Le mode «Sport Plus» place aussi le groupe moteur-transmission à son efficience maximale, haussant du même coup le régime à proximité du couple le plus favorable.

De retour à une conduite plus dominicale, le confort retrouve un stade qui ne diffère pas tellement de celui de la grande majorité des voitures de luxe allemandes.

La 4S mise à l'essai est le modèle intermédiaire entre la version de base et la Turbo, ce qui lui confère un rouage intégral que la Panamera d'entrée de gamme ne possède pas bien qu'elle partage avec elle un V8 de 4,8 litres à injection directe développant 400 chevaux. Chose étonnante, le rapport poids-puissance paraît meilleur sur la route que sur papier. En effet, les accélérations ou les reprises sont stupéfiantes comme l'exprime un 80 à 115 km/h en 3,5 secondes et on peut simplement s'imaginer la poussée que les 500 ch de la Turbo sont en mesure de générer.

Photo: Jacques Duval, collaboration spéciale

Le poste de pilotage de la Porsche Panamera est particulièrement bien étudié.

Moteur et transmission

Tout ce que je reprocherais à ce V8, c'est une sonorité gutturale qui n'est pas tellement différente de celle de nos bons vieux V8 qui rugissait sous le capot des anciens «muscle cars». En revanche, grâce à l'injection directe, la soif du moteur est bien contrôlée, au point où l'on peut facilement envisager une moyenne de 9 litres aux 100 sur route que l'on doit également à un 7e rapport faisant office de surmultiplication en maintenant le moteur à 1500 tr/min à 100 km/h.

 

Il est cependant difficile de ne pas chatouiller l'accélérateur de temps à autre, ce qui haussera la consommation à plus de 20 litres aux 100 en un rien de temps. La boîte de vitesses de service est la PDK que l'on a vu apparaître l'an dernier dans les voitures sport de la marque et qui est la version Porsche de ces transmissions robotisées dont se pare la majorité des voitures un tantinet sportives. C'est essentiellement une boîte manuelle à 7 rapports et double embrayage originalement conçue pour les voitures de course de la marque.

Si son fonctionnement ne saurait être mis en cause, on peut lui reprocher des commandes au volant peu ergonomiques et un levier sur la console qu'il est malaisé de placer sur le rapport voulu, d'autant plus que les repères sont invisibles (autour du levier) ou trop petits (dans le cadran au tableau de bord.) L'expérience de conduite s'agrémente aussi d'un volant (chauffant s.v.p) qui paraît trop léger à faible vitesse, mais qui se raffermit au fur et à mesure que la Panamera accélère la cadence. La direction, grâce à un diamètre de braquage assez court, fait aussi oublier dans une certaine mesure les dimensions éléphantesques de cette machine qui surprend par sa largeur démesurée, supérieure à celle de la plupart des berlines sur le marché.

Des courbes discutables

Une évaluation de cette voiture ne peut évidemment pas passer sous silence sa silhouette discutable. La partie avant, sans prêcher l'originalité, s'accepte bien puisque l'on a repris à quelques détails près le capot plongeant de la 911. Là où le bât blesse toutefois, c'est à l'arrière en raison d'un style lourd et rebondi qui n'a pas la finesse des lignes de sa concurrente italienne, la Maserati Quattroporte.

Le poste de pilotage, baigné de fibre de carbone, est particulièrement bien étudié avec un tableau de bord qui ne pêche ni par son ergonomie, ni par sa qualité d'exécution. Toutes les commandes sont regroupées en majeure partie sur la console centrale qui se prolonge jusqu'aux fauteuils arrière et sont facilement repérables par leur identification en blanc. Le volant multifonction est moins réussi à cause de ces petites mollettes trop sensibles servant à modifier les réglages des trois niveaux d'amortissement.

 

On peut s'interroger aussi sur la justesse des concepteurs d'avoir placé le cadran doublé d'un chrono près du pare-brise à un endroit où sa présence cause de désagréables réflexions en conduite nocturne. Les rétroviseurs latéraux triangulaires pourraient aussi être plus grands. Et pendant que j'y suis, comment a-t-on pu laisser passer une faute aussi grossière que cet aileron arrière qui, en sortant de son logement, vient obstruer du tiers la visibilité arrière tout en nous laissant contempler ses affreux dessous.

Photo: Jacques Duval, collaboration spéciale

Le style arrière rebondi de la Panamera ne respecte sans doute pas tous les canons de l'esthétique, mais ne semble pas jusqu'ici être un obstacle à son succès.

Vocation respectée

 

La Panamera respecte par contre à la lettre sa vocation de berline 4 places; à l'arrière par exemple on accède plus facilement à ses confortables fauteuils que dans une Mercedes CLS. À l'avant, la position de conduite est irréprochable et les sièges bien adaptés à de longs séjours au volant.

 

Finalement, le volume du coffre oscille entre 445 et 1263 litres lorsque l'on décide de rabattre les dossiers des sièges arrière. Car, la Panamera est une berline à arrière ouvrant (souvent récalcitrant) ou de type «hatchback», un choix osé de Porsche quand on connaît l'allergie des Américains par rapport à cette architecture automobile.

 

Si les aficionados risquent de tiquer (rappelons-nous du Cayenne) devant cette Porsche parce qu'elle ne répond pas à l'esprit de la marque, force est d'admettre que cette première édition de la Panamera est une voiture déjà aboutie. Bien sûr, son moteur est au mauvais endroit (à l'avant), son nombre de cylindres est excessif et ses dimensions extravagantes, mais, à l'exception de détails corrigibles, cette Porsche est empreinte du sceau de qualité qui caractérise tous les produits de cette illustre famille. (Chez un concessionnaire près de chez vous entre 115 000 et 155 000 $)