Que ce soit pour un rasoir électrique, un appareil photo, un téléviseur et, bien entendu, une voiture, je n'ai, de toute ma vie, jamais acheté une garantie prolongée. Si je fuis ce genre de paperasse avec le même empressement qu'un porteur du virus de la grippe H1N1, c'est d'abord et avant tout parce que je sais trop bien que l'usufruit de mon argent servira à payer les interventions nécessaires au cas où l'automobile parfaite que l'on m'a vendue se transformerait, une fois la garantie expirée, en un abonnement régulier aux ateliers du concessionnaire. En plus, je me suis toujours dit que s'il faut que j'achète une garantie supplémentaire, c'est que le produit n'est ni fiable, ni durable. J'irai donc dépenser mon argent à une autre enseigne.

Ce billet m'a été inspiré par une lectrice à laquelle on avait offert, tel un cadeau, une garantie prolongée de 6 ans et 120 000 km à l'achat d'une Chevrolet Malibu 2010 et cela pour la «modique» somme de 3554$. Et moi qui croyais que General Motors construisait désormais des autos robustes comme les camions de la Brinks. La prime exigée par le concessionnaire dans le cas qui nous préoccupe ne passait pas inaperçue dans le loyer mensuel de notre acheteuse qui, pour une protection dont elle ne se servira probablement jamais, devait acquitter un supplément de 70$ sur ses frais de location.

 

Quand un organisme crédible comme Consumer's Union, aux États-Unis, affirme que les constructeurs font entre 40 et 80% de bénéfices avec les garanties prolongées, on a une bonne idée du fonctionnement de ce système. Tenez, en admettant qu'un constructeur important comme General Motors vende un million de garanties prolongées au prix susmentionné, vous vous imaginez le pécule que cela représente. En plus de posséder un excédent de liquidités de plusieurs milliards de dollars, la compagnie n'a qu'à investir la somme recueillie et utiliser les intérêts pour défrayer les réclamations des détenteurs de telles garanties.

 

Sachez que les réclamations sont moins nombreuses que l'on croit puisque les ennuis majeurs sur une automobile surviennent la plupart du temps dans les premiers mois d'utilisation. Si une composante quelconque doit céder en raison d'une malfaçon, elle le fera bien avant l'expiration de la garantie originale.

 

Les petits caractères

 

Le prix de ces garanties, qui correspond à environ 10% du prix d'achat, n'est pas la seule embûche à surmonter quand on a eu la regrettable idée de succomber aux belles paroles d'un vendeur. Par exemple, si vous êtes comme moi, c'est-à-dire du genre à éparpiller documents, reçus et autres formulaires avec le même abandon que les circulaires qui encombrent votre boîte aux lettres, vous en serez quitte pour de grosses déceptions. Car, avec une garantie prolongée, on doit accumuler une foule de petits papiers prouvant que les notices du carnet d'entretien ont été respectées à la lettre.

 

Dans bien des cas, les réparations ou la maintenance du véhicule doivent avoir été faites au garage où vous avez acheté la voiture, vous rendant plus ou moins prisonnier du concessionnaire. Vous devrez aussi faire face aux «exclusions», soit tous ces menus accessoires ou pièces qui ne sont pas couverts et que le vendeur vous avait résumés en deux lignes. Pourtant, la section du contrat en caractères lilliputiens consacrés aux exceptions compte en réalité environ 80 lignes. Beau casse-tête en perspective.

 

Les appâts

 

Venons en maintenant aux arguments massues utilisés dans le commerce pour vous appâter. Le plus impressionnant est celui de la durée de la garantie qui vous permettra de dormir tranquille pendant 6 ans et 120 000 km. Voilà qui est alléchant de prime abord, jusqu'à ce que l'on tienne compte que cela comprend la garantie originale de 3 ans et 60 000 km. Les 6 ans et 120 000 km de notre cliente mentionnée plus haut deviennent donc en réalité 3 ans et 60 000 km. Si jamais, la cliente connaît un ennui mécanique, il y a de bonnes chances pour que cela lui coûte moins cher que les 3554$ déboursés pour la garantie prolongée.

 

Parmi les autres arguments de vente, on vous dira que la garantie prolongée augmentera la valeur de revente de votre voiture. Cela est possible, mais à la condition que la garantie prolongée ait encore un bon deux ans à courir, ce qui signifie que vous aurez payé pour un produit que vous n'aurez probablement pas utilisé. Et la plus-value de votre Chevrolet ne sera pas égale au montant de la garantie.

 

Si vous faites affaire avec une compagnie d'assurance étrangère au constructeur, vous courrez aussi le risque de voir celle-ci disparaître du paysage financier. La seule garantie prolongée qui me paraît justifiée est lorsqu'il s'agit de véhicules dont la solidité et la fiabilité ont été la source de problèmes au cours des dernières années. Je pense par exemple à Volkswagen, qui propose à sa clientèle le programme «Protection Plus», qui n'est ni plus ni moins qu'une garantie prolongée offerte en deux versions, 4 et 5 étoiles. La première s'achète pour 2841$ et donne droit à une garantie totale de 7 ans et 160 000 km, ce qui signifie que l'on débourse une telle somme pour 3 années supplémentaires d'une garantie originale de 4 ans et 80 000 km.

 

Considérant tous les pièges qui se cachent sous les garanties prolongées, le gouvernement du Québec entend très bientôt faire le ménage dans cette industrie où le consommateur est la plupart du temps le grand perdant.

 

Photo Bloomberg News

GM propose pour sa Malibu 2010 un supplément de garantie qui double la protection initiale de 3 ans et 60 000 km. Cette garantie prolongée coûte près de 10% de la valeur de la voiture.