Reprenant le vocable de l'une des voitures les plus fascinantes à être sorties de Detroit au cours des années 80, la Ford Taurus SHO reprend du service pour le millésime 2010. Malheureusement, la copie est bien loin de l'originale qui s'inscrivait dans une catégorie que les Américains se plaisent à appeler «les sleepers», une expression que mon ami, le regretté Paul Frère, traduisait par «voiture piège». Ces termes désignaient une voiture ordinairement bien tranquille qui, sans en avoir l'air, possédait les performances de modèles plus prestigieux et plus acclamés.

Pour être plus explicite, cette Taurus SHO de 1988 pouvait humilier une Porsche 911 si l'occasion s'en présentait. Il en résultait une confusion totale chez le «Porschiste», qui avait une piètre opinion d'une humble Ford. Or, la SHO de l'époque s'enrichissait d'un moteur V6 à double arbre à cames en tête de 3 litres qui avait reçu l'expertise des ingénieurs de chez Yamaha pour en faire une bombe de chevaux.

 

La table étant mise, disons que la SHO que Ford vient de ressusciter pourrait difficilement s'en prendre aujourd'hui à une Porsche, et cela même si elle possède encore de belles ambitions sportives. Ses 365 chevaux sont impressionnants comme ça, mais toute leur vigueur est absorbée par un embonpoint gênant qui la voit pousser l'aiguille de la balance juste en deçà des 2000 kg (comparativement à 1345 kg pour la version originale). À ces deux tonnes et plus s'ajoutent des dimensions absolument titanesques qui, dans mon stationnement, faisaient paraître cette Taurus SHO plus longue qu'un Cadillac Escalade à empattement normal. Ne cherchez donc pas la maniabilité d'une Lotus Elise dans une SHO.

 

Même si ce préambule ne présente pas la voiture sous un éclairage très favorable, ce rappel nostalgique n'est pas un échec pour autant. Seulement, ses trois lettres de présentation (pour «Super High Output») ne devraient pas figurer sur son curriculum.

 

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Ford Taurus SHO 2010.

Traction intégrale de rigueur

 

En dehors de cette constatation, nous sommes en présence de la transformation radicale qui a vu les produits Ford acquérir une admirable maturité au cours des deux ou trois dernières années. Les matériaux utilisés dans l'aménagement intérieur ainsi que la qualité des assemblages sont au-dessus de la moyenne tout comme la solidité de la structure quand on fréquente notre réseau routier.

 

Au rayon de la mécanique, cette Taurus hérite d'une belle dotation avec son moteur V6 EcoBoost de 3,5 litres double turbo dont les 365 ch. sont assortis d'un couple de 350 lb-pi acheminé aux quatre roues motrices en passant par une transmission automatique à six rapports qu'un sélecteur permet de placer en mode manuel. Ce n'est pas une boîte robotisée proprement dite, mais ces palettes de part et d'autre du volant alimentent joliment la chronique automobile par les temps qui courent. Toute cette quincaillerie permet d'abattre le 0-100 km/h en 5,9 secondes, une référence même si ce genre de performance est aujourd'hui monnaie courante dans le haut de gamme. Un départ en coup de canon permet de deviner que la Taurus est à l'origine une traction avant. On est très loin des cabrioles d'une Nissan Maxima et il est louable que Ford ait prévu de faire appel à la traction intégrale pour annihiler l'effet de couple propre aux tractions.

 

Une sobriété renversante

 

Quand Ford utilise le mot «Eco» dans la description du moteur de la voiture, ce n'est pas simplement pour impressionner les écologistes. Ce V6 «livre la marchandise» avec une renversante moyenne de 11 litres aux 100 km lors d'un parcours impliquant un bon bouchon de 90 minutes. En roulant «mollo», j'ai même lu un 8 litres aux 100 à un certain moment. Quand on songe aux performances offertes, cela tient de l'exploit. Précisons aussi que la présence de deux turbos élimine totalement le temps de réponse habituellement associé à la suralimentation.

 

Pour bien assumer son rôle de berline sportive, cette Taurus nécessiterait une direction moins étrangère aux sensations de la route. De plus, certaines mains délicates pourront être ennuyées par le gros pourtour du volant.

 

De taille déjà imposante, la SHO semble gagner encore en volume avec ses grosses pointures pneumatiques (20 pouces) qui ont, par contre, l'avantage d'offrir une excellente adhérence en virage. Le roulis est réduit à sa plus simple expression, bien que la fermeté de la suspension soit à l'origine de secousses désagréables sur des revêtements dégradés. Dans la voiture mise à l'essai, on notait aussi un mystérieux claquement en provenance du train avant. Le confort est tout de même fort correct et l'absence de bruits insolites est rassurante.

 

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Ford Taurus SHO 2010.

Des accessoires plein la vue

 

Au plan visuel, la présentation intérieure de la Taurus SHO l'emporte aisément sur l'apparence de la carrosserie. Le tableau de bord est on ne peut plus impressionnant, notamment par son immense console en diagonale où se décline une pléthore d'accessoires tels la chaîne audio, la climatisation, le chauffage des sièges et, comme de raison, le sempiternel ordinateur de bord (optionnel) avec son GPS et sa litanie de commandes énigmatiques.

 

La SHO ne saurait être dépassée par n'importe quelle concurrente pour la quantité de ses accessoires qui vont du radar intelligent (la voiture ralentit d'elle-même si nécessaire) au pédalier réglable en passant par l'indicateur de présence dans l'angle mort et la caméra de recul. Cette dernière s'avère d'ailleurs indispensable tellement la visibilité arrière est déficiente. Il est dommage qu'elle soit reliée à un tout petit écran logé à même le rétroviseur.

 

Ce tour du propriétaire se terminera par un coup d'oeil aux places arrière où l'espace est tel que l'on se croirait dans une salle de réunion. Et le coffre en remet en vous obligeant à y pénétrer pour retirer certains objets. Au moins, la grosseur de la créature aura servi à quelque chose.

 

Malgré de louables efforts, la SHO de 2010 rate le coche dans sa tentative de faire revivre le modèle original. Sa direction floue, sa taille de grosse voiture et son poids au bord de l'obésité la privent du titre de berline sport. Malgré cette vocation ratée, il reste que cette Ford Taurus vitaminée constitue une belle réussite à plusieurs égards et qu'elle mérite que l'on fasse un détour pour l'essayer si l'on recherche une grande voiture solide, confortable, luxueuse et généreuse en performances.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Ford Taurus SHO 2010.