J'étais aussi nerveux que lors de mon premier essai d'une Ferrari au début des années 60. Pourtant, l'engin que M.Don Darlington a accepté de me laisser conduire n'avait rien d'une voiture haute performance même si sa vitesse de pointe est étonnante quand on sait que la Stanley Steamer a vu le jour il y a 100 ans cette année. À cause sans doute de ses caractéristiques et de sa rapidité, on la surnommait «The flying teapot» («La théière volante»).

«Elle peut atteindre 100 mph» de préciser son fier propriétaire tout en ajoutant «qu'il faut prévoir une paire de pantalons de rechange si l'on se hasarde à la pousser à une telle vélocité».

La sensation de vitesse est évidemment très grande avec l'absence de pare-brise et une carrosserie en bois fixée sur un châssis tubulaire en acier qui roule sur des roues de 34 pouces. En son temps, cette voiture a détenu pendant quelques années le record mondial de vitesse, ce qui n'est pas un mince exploit.

Je me suis donc installé dans la Stanley Steamer Roadster lors de son passage au Concours d'Élégance de Fort Chambly organisé par le Club des Voitures Anciennes du Québec. Le propriétaire allait être mon copilote, bien que l'on parle plutôt d'un ingénieur quand celui-ci doit s'occuper de surveiller les nombreuses jauges et de manipuler les valves qui servent à contrôler l'eau, la vapeur, l'essence et la lubrification.

La bouilloire qui ressemble à une espèce de petit cercueil est placée dans la partie avant du véhicule, juste au pied du conducteur. Elle sert à chauffer l'eau pour que la vapeur puisse animer le petit moteur de 2 cylindres de la voiture développant entre 10 et 30 chevaux selon la capacité de la bouilloire. «Elle consomme un gallon d'eau par mille» m'explique M.Darlington tout en travaillant à la préparation du roadster pour ma promenade dans le parc. Car, il faut 20 minutes au moins pour préchauffer le tube de vaporisation à l'aide d'une torche. Les voleurs sont prévenus.

Comme il n'y a pas de transmission, la puissance est dirigée directement du vilebrequin au différentiel arrière. Si l'ingénieur de bord a sa grande part de travail, la tâche du conducteur est relativement simple, se limitant au freinage au moyen d'une pédale et à l'accélérateur qui prend la forme d'un levier se déplaçant sur un arc en métal sous le volant. S'ajoute à cela l'immense volant qui exige une bonne dose d'effort et une poigne solide.

Marche arrière interdite

Je déplace le levier de quelques centimètres et nous voilà partis à une vitesse que je considère inconfortable avec ces centaines de personnes qui n'entendent pas le bruit de locomotive de la Stanley Steamer et qui ne voie pas le nuage de vapeur qui suit derrière.

J'ai commis la faute de trop accélérer, ce qui m'incite à ralentir la cadence pour me frayer un chemin à travers les quelque 500 voitures qui habitent Fort Chambly en ce dimanche après midi. Faute de soleil, les couleurs flamboyantes de ces belles américaines éclairent cette journée nuageuse en faisant vibrer toutes ces teintes pastel qui étaient la norme de l'époque.

Dans les virages serrés, la Stanley Steamer Roadster, qui fut construite entre 1902 et 1924, n'est pas facile à manier et il faut conduire avec précaution pour ne pas heurter une des belles d'autrefois. «Tentez de ne pas avoir à reculer», me prévient mon aide pilote «car ce n'est pas précisément un cadeau». Bien reçu et je n'ai pas tenté ma chance. Après un bon quart d'heure au volant, je me suis senti soulagé d'avoir réussi l'examen. Je peux maintenant dire que j'ai conduit la voiture du passé, celle d'aujourd'hui et celle de demain avec la Volt de Chevrolet.