Je vous entends pousser les hauts cris! Que vient faire une vulgaire Corvette dans une chronique consacrée aux voitures de prestige? Réponse: elle vient se moquer des Ferrari, Aston Martin, Bentley et Lamborghini de ce monde.

Je fais bien sûr allusion à la version ZR1, qui figure en quatrième place au palmarès des voitures les plus rapides du monde dans l'exercice de l'ultime critère des performances qu'est le test d'accélération de 0 à 100 km/h. Avec un temps de 3,3 secondes, elle n'est battue sur ce tableau que par la Bugatti Veyron (2,5 secondes) et la Porsche 911 Turbo (2,9 secondes) et elle n'a aucune gêne à faire tout aussi bien que la dernière merveille de Maranello, la Ferrari 458 Italia.

 

Pas mal pour une américaine.

 

L'éloquence de 638 chevaux

 

La ZR1, dont j'ai fait l'essai, n'est pas à court de chevaux vapeur avec ce V8 de 6,2 litres à compresseur qui proclame fièrement ses 638 chevaux, et dont on peut voir le bout du nez (le cache-culasse, pour être plus précis) par cette ouverture pratiquée en plein milieu du capot avant. Et, contrairement à ce qui se passait autrefois, le moteur de la ZR1 n'a pas été laissé à lui-même. La qualité de la direction, de la suspension et du freinage a été haussée de plusieurs crans afin de permettre à la Corvette de tenir tête à ses rivales non seulement en ligne droite, mais aussi sur un circuit sinueux, bien que ce ne soit pas le terrain le plus favorable à ces engins un peu trop encombrants pour aborder un virage en S à toute vapeur.

 

Mais il faut voir la rapidité avec laquelle une voiture comme la ZR1 s'extirpe de ces courbes lentes grâce à ce couple phénoménal qui, dans ce cas-ci, s'élève à 604 lb-pi à 3800 tr/min.

 

Ce qu'il y a de plus beau avec la ZR1, c'est que tout en vous prévenant qu'il ne faut pas la prendre à la légère, elle vous permet de bénéficier de son invraisemblable savoir-faire sans vous demander d'exhiber la dextérité d'un Jacques Villeneuve. Bref, elle est relativement facile à conduire et se prête aussi bien à la promenade tranquille qu'à des démonstrations de haute performance. Livrée uniquement avec une boîte de vitesses manuelle à six rapports facile à manipuler, la plus aboutie des Corvette ne vous fait pas payer chèrement ses prouesses sportives. Michelin a réussi à concevoir un pneu de 20 pouces qui, en dépit de son exceptionnelle adhérence, ne vous donne pas l'impression que le châssis repose sur un cadre en bois sans éléments suspenseurs. Je ne dis pas que la ZR1 est un carrosse, mais elle ne vous conduira pas chez votre orthopédiste, en raison d'une hernie discale. À ce propos, les sièges sont agréables, quoique j'aurais souhaité un meilleur appui latéral en conduite enjouée.

 

Les ingénieurs (ou serait-ce davantage les «sonoristes») ont réussi à transformer le vroum vroum habituel des gros V8 en un son qui ne détonne pas dans le registre des supervoitures. On s'en délecte au lieu de s'en offenser. Étonnamment, l'embrayage s'enfonce sans cette résistance qui demande un entraînement préalable dans certaines voitures de la même race. Idem pour le levier de vitesse, qui se laisse guider sans plus d'effort que s'il s'agissait d'une Toyota Yaris.

 

Le moteur demande une certaine réserve au début tellement son couple vous fait aplatir le dossier du siège si vous enfoncez l'accélérateur en fin de course. Au départ, le respect est de mise étant donné qu'en un peu moins de quatre secondes, vous aurez dépassé la vitesse limite au Québec. Seulement sept secondes plus tard, vous courez le risque de perdre votre permis de conduire et de voir votre voiture confisquée à près de 210 km/h. D'autant plus que l'électronique qui habite cette Corvette n'est pas de nature à couper votre plaisir au beau milieu d'un dérapage parfaitement maîtrisé. Tout est là, du contrôle de traction jusqu'au système de stabilité, mais le réglage de ces dispositifs fait en sorte qu'ils ne sont mis en service que lorsque le conducteur semble avoir perdu les pédales. Il y a aussi les freins qui font partie de la sécurité active de la ZR1. Les quatre disques Brembo font du bon boulot, mais commandent eux aussi une certaine habitude. Il faut appuyer sur la pédale avec un pied ferme et fournir un effort plus soutenu qu'à l'accoutumée. Par contre, même sur un circuit comme celui de l'ICAR avec sa grande part de virages serrés, la surchauffe des freins, qui a toujours été la bête noire des Corvette, ne fait pas partie du scénario dans la ZR1.

 

Après en avoir fait l'essai aussi bien sur la route que dans les conditions les plus révélatrices, sur une piste, on peut affirmer que dans sa version la plus fignolée, ce modèle réhabilite pleinement le nom et la réputation écorchés du porte-étendard de la filiale Chevrolet de General Motors. Est-ce suffisant pour que les acheteurs de Ferrari, Aston Martin et autres Lamborghini modifient leur itinéraire et prennent la route d'un vendeur Chevrolet? J'en doute fort, car les mauvaises réputations ont la vie très, très dure.

Photo Jacques Duval, collaboration spéciale

Pour dissiper la concurrence, la Corvette ZR1 s'appuie sur un moteur V8 de 638 chevaux.