Dans ma tête, j'avais mille fois tenté d'imaginer à quoi ressemblerait ma première course automobile. Elle ne se passa pas du tout comme je l'avais prévu. La pression de bien faire, de ne rien casser et surtout de ne pas être tenu responsable d'envoyer un concurrent dans le décor me pesait lourdement sur les épaules. Tendu comme les ressorts de ma Micra numéro 23... Trop tendu. Trop tendu et pas assez expérimenté. J'aurais dû me sentir gonflé à bloc, j'étais au contraire mort de peur, paralysé par l'importance de bien faire. À la réflexion, c'était complètement stupide. Je n'avais aucune chance de gagner.

Le vendredi matin, sur une piste froide et encore poussiéreuse, je me suis appliqué à conduire sobrement et à reproduire les trajectoires d'une F1 apprises quelques jours plus tôt en marchant sur le circuit... Erreur. La Micra préfère qu'on la bouscule un peu plus, mais pas trop tout de même. Voilà la difficulté: trouver le juste compromis entre agressivité et souplesse.

Une heure avant la qualification, il tombait des cordes. Lewis Hamilton avait planté sa monoplace dans un mur et mes démons sont revenus. Je déteste la pluie. Par chance, celle-ci a cessé avant que nous nous élancions sur la piste, mais par mesure de précaution, tous les pilotes de Nissan Canada ont opté pour des pneus pluie. Sage décision, même si la piste s'est asséchée rapidement. La confiance est revenue, les temps sont tombés, mais plusieurs virages (le 2 notamment) m'ont posé des problèmes. Et il y avait la circulation à gérer. Conséquence, je me suis retrouvé en fond de grille.

Le départ de la première course le samedi était à la hauteur de mes aspirations. J'ai remonté plusieurs places dans la ligne droite, mais je les ai toutes perdues en négociant le virage 1. Et plus encore dans le virage 2. Manque d'expérience et encore cette foutue frousse de faire contact avec les autres concurrents. Et me voilà déjà largué. Par ma faute.

À mi-course, je n'avais plus rien à gagner. Rien à perdre non plus. La pression est tombée (enfin) et je me suis mis à rouler à ma main et surtout à essayer des trucs pour la course du lendemain en modifiant les trajectoires. Une bonne idée qui faillit mal tourner au 11e tour, lorsque ma Micra se retrouva sur deux roues prête à se retourner. «Ah non, pas sur le toit», me suis-je dit en corrigeant immédiatement la situation. En retombant sur ses roues, ma Nissan numéro 23 est partie en tête-à-queue vers le mur... Autre correction, pas de casse, mais mon poursuivant a profité de ma figure de style pour me déborder. Pas grave, il y avait une deuxième course (le dimanche) et je comptais bien me reprendre.

Avant la deuxième course, Éric Côté, mon chef d'équipe, est intervenu. «Tu peux être plus incisif en entrée de virage et sur l'accélérateur au point de corde.» Autre chose? «Oui, ajoute-t-il, mais tu ne le retiendras pas, alors corrige cela et tu vas voir la différence.» L'expérience a parlé, et comme par enchantement, les temps sont tombés et je suis parvenu à retrancher comme ça trois secondes à mes tours. Je progressais régulièrement tour après tour. Hélas, cette fois, je n'ai pas connu le départ foudroyant de la veille... En fait, c'était un cauchemar, et après coup seulement, j'ai compris que mon inexpérience m'avait joué un vilain tour. C'est à ce moment précis que la pression du week-end est finalement tombée. Je suis parvenu à remonter certains concurrents et nous nous sommes livré de belles batailles en échangeant nos positions tour après tour. J'arrivais à prendre un virage aussi vite sinon plus vite que d'autres, mais au prix d'une si forte concentration que je ne pouvais éviter de commettre une erreur dans le suivant. Et je me faisais déborder de nouveau. Pas grave, j'étais tout sourire et, sans blague, je crois ne m'être jamais autant amusé au volant. On remet cela l'an prochain? Oh que oui!