Aucun musée ni salon de l'auto n'a, à ma connaissance, consacré une exposition tout entière à ces automobiles qui ouvraient les yeux une fois la nuit venue. Il faudrait y remédier.

D'autant plus que 2016 marquera le 80e anniversaire de la création des phares escamotables. Imaginez un peu la quantité de voitures qui roulaient en plein jour les yeux fermés. Que des classiques. Enfin, presque. On pense naturellement à la Chevrolet Corvette, mais aussi à la Lamborghini Countach, aux plus belles Ferrari (Daytona, 308, 288 GTO, F40), à l'Acura NSX (1re génération) ou encore à la Lotus Esprit. Et dans ce groupe, il n'y avait pas que des voitures élitistes. Souvenez-vous de la Porsche 914, de la Triumph TR-7, des premières Mazda MX-5 Miata. Même les Honda Accord et Toyota Corolla y ont eu droit.

Les phares escamotables sont apparus pour la première fois en 1936 au salon de l'auto de New York. Le premier véhicule à en avoir fut une Cord Model 810. C'est cette voiture qui a lancé l'idée. OEuvre du styliste Gordon Buehrig et de son équipe, ce modèle était présenté comme la première automobile au monde «à masquer ses phares». Précision utile, ceux-ci n'étaient pas escamotables, mais plutôt recouverts de paupières métalliques. Ces dernières pivotaient au moyen de deux manivelles positionnées aux extrémités du tableau de bord. La procédure était loin de représenter une sinécure.

Quelques années plus tard, au tour de la Buick Y-Job, un concept, de les adopter. À la différence cette fois que le mécanisme d'ouverture et de fermeture était entièrement électrique. Mais ce n'était qu'une étude qui ne vit jamais le jour. Chrysler reprit l'idée à son compte en 1942 avec la DeSoto et son douteux slogan: «Hors de vue, sauf la nuit».

Les phares escamotables ont longtemps été considérés comme une tendance forte dans l'histoire du design automobile et l'un des éléments de style ayant le plus marqué les passionnés. Ils ont permis aux stylistes de créer des formes plus effilées et plus élégantes. Plus aérodynamiques également, mais seulement en plein jour. La nuit, personne ne réalisait combien cette «lubie» esthétique brisait complètement l'harmonie des lignes du véhicule et pénalisait sa capacité de se frayer un passage dans l'air. À quoi bon. Ces «yeux qui clignent» étaient trop cool.

L'obligation des feux de jour mais surtout le resserrement des normes de sécurité (pensez un peu aux piétons et aux cyclistes) ont précipité le retrait des phares escamotables. Dommage, mais pourquoi ne pas les faire revivre, le temps d'une exposition? Au salon de Montréal, l'an prochain?