S'il y avait encore une chance, une toute petite chance, de revoir des Renault neuves sur les routes canadiennes et américaines, eh bien, elle s'est envolée jeudi dernier avec le licenciement de Carlos Tavares. Avec lui, tout semblait possible.

Au cours de son bref passage - tout juste deux ans - à la tête de Renault, ce gestionnaire de 55 ans a insufflé une bouffée de fraîcheur à la firme française qui, jusqu'ici, donnait l'impression de vivre aux crochets de son partenaire Nissan.

Carlos Tavares voulait une Renault forte, plus autonome. Ses pions, il les avait déjà placés sur l'échiquier. D'abord, il ressuscite Alpine - marque de voitures sport - pour mieux bénéficier des retombées de l'engagement de Renault en sport automobile (Formule 1 et plus récemment en Endurance). Et pour ne pas plomber les finances du constructeur français - et obtenir l'aval du conseil d'administration - , Tavares a l'idée de monter son dossier en une coentreprise avec Caterham, spécialiste anglais. « Caterham possède les mêmes valeurs qu'Alpine. Nous partageons en effet une approche similaire du plaisir de conduire », dit-il, enthousiaste, lors de la présentation d'une première maquette.

La vision de Tavares ne s'arrête pas à la création d'un pôle sportif. Il donne également naissance à un nouveau label de luxe appelé Initiale Paris. Cet ajout à la gamme allait permettre à l'ex-Régie de refaire surface dans le secteur haut de gamme après l'échec de la (très) controversée Vel Satis. Encore une fois, Tavares puise à même les ressources de Renault et non d'Infiniti (satellite de Nissan) pour créer cette entité. Il choisit plutôt de décliner quatre modèles Renault en finition Initiale Paris, stratégie déjà adoptée par Citroën avec sa filiale DS. Confiant dans le succès de cette filiale, Tavares assure qu'Initiale Paris proposera progressivement ses propres véhicules.

Avec ces deux marques nouvellement fondées, Tavares compte enfin sur les acquis. À Renault d'occuper le marché généraliste et à Dacia de répondre aux demandes des pays émergents.

Tavares parti, sa vision lui survivra-t-elle ? Tout laisse croire que oui. Les ententes avec Caterham sont signées et le premier modèle fera son entrée dans les salles d'exposition à compter de l'année 2016. Le label Initiale aussi demeure sur les rails (commercialisation dès 2014), mais le projet de concevoir des véhicules spécifiques risque, quant à lui, de dérailler.

Carlos Tavares ne manquait ni d'idées ni d'ambitions. Seulement d'un statut de numéro 1, lequel est occupé par l'autre Carlos (Ghosn). Ce dernier n'a visiblement pas apprécié les propos tenus par son numéro 2 dans une récente interview accordée le mois dernier à l'agence Bloomberg, dans laquelle il a rappelé : «  Nous avons un grand patron, et il n'est pas près d'abdiquer. » Et d'ajouter, pour bien se faire comprendre : «  Quiconque se passionne pour l'industrie automobile parvient à la conclusion qu'à un moment donné, vous avez l'énergie et l'appétit pour devenir numéro un. » Des propos qui ne sont pas sans rappeler la déclaration d'un certain Ferdinand Piëch qui, au début de sa carrière, ne manquait jamais de souligner qu'il n'aimait pas « être le second ».