L'événement remonte à près de 40 ans déjà, mais ni Jochen Mass ni Brett Lunger ne l'ont oublié. Nous sommes le dimanche 1er août 1976 sur le circuit du Nürburgring, 10e épreuve au calendrier du Championnat du monde de Formule 1.

Sur la grille de départ, il pleuvait. Toutes les monoplaces chaussaient des pneus pluie, sauf celle de l'Allemand Jochen Mass. «Je connaissais bien la région», explique l'ancien pilote au cours d'une conférence donnée en compagnie du coureur américain Brett Lunger en marge du Concours d'élégance de Pebble Beach. «Après avoir discuté avec quelques commissaires de piste, j'ai appris qu'une très grande portion du circuit se trouvait bien au sec. J'étais neuvième sur la grille, j'ai pensé que je n'avais rien à perdre.» Il n'a rien perdu. Mass pointait à la troisième place derrière Hunt, son coéquipier, et Regazzoni au terme du premier tour. Au deuxième, Mass s'est emparé du commandement de la course.

L'Américain Brett Lunger, qui pilotait alors une Surtees et s'élançait pour sa part de la 24e position, se souvient aussi de ce funeste Grand Prix. Sa monoplace se trouvait quelques mètres derrière la Ferrari de Niki Lauda, meneur au Championnat du monde des pilotes, à sa sortie des puits de ravitaillement. Nous n'étions qu'au deuxième tour. «Niki a perdu la maîtrise de sa Ferrari entre le pont d'Adenau et la montée vers le Carrousel. La Ferrari virevoltait devant moi, s'est mise à l'équerre et puis s'est écrasée violemment contre le rail de sécurité avant de rebondir sur la piste, raconte Brett Lunger. Guy Edwards [Hesket] est parvenu à l'éviter, mais son coéquipier [Harald] Hertl et moi l'avons percuté l'un après l'autre.» Lauda en a perdu son casque, sa Ferrari s'est enflammée.

Devant des commissaires sous le choc, Edwards, Hertl et Lunger ont tenté de secourir leur rival. «Lauda était conscient, se souvient Lunger, et Arturo Mezario [un autre pilote] est venu nous prêter main-forte pour le sortir des flammes.» Lauda survivra miraculeusement à ses blessures.

Durement marqué par la terrible épreuve, Niki Lauda a impressionné tout le monde en faisant sa rentrée six semaines plus tard à l'occasion du Grand Prix d'Italie à Monza. «Le jour des premiers essais, il s'est arrêté à notre puits, il m'a regardé et m'a simplement dit merci. Il est reparti, sans rien ajouter», se souvient Lunger.

Le Championnat n'était pas joué, mais James Hunt avait considérablement réduit l'écart qui le distançait de Lauda. Si bien qu'en arrivant au Japon, ultime épreuve de la saison, les deux rivaux pour le titre n'étaient plus séparés que par trois points. On connaît la suite. La pluie avait complètement noyé le tracé du mont Fuji, mais le départ a quand même été donné. Après deux tours, Lauda a immobilisé sa monoplace. Pas Hunt. Il terminera cinquième et coiffera du coup la couronne mondiale. Un sacre chanceux, selon son coéquipier de l'époque, Jochen Mass. «James n'a pas remporté le titre au mérite. N'eût été son accident, Niki aurait été sacré champion du monde pour la deuxième année consécutive.»

Rush, prochain film de Ron Howard, évoquera cette rivalité entre James Hunt et Niki Lauda au cours de la saison 1976 de Formule 1. La sortie en salle est prévue pour le 20 septembre.

> Réagissez au billet d'Éric LeFrançois au www.lapresse.ca/lefrancois