Fondée en 1917 au Michigan, Lincoln a connu des hauts et des bas. L'heure est maintenant à connaître des hauts.

Ford veut relancer Lincoln, sa marque haut de gamme. Les plus cyniques ne manqueront pas de rappeler que ce n'est pas la première fois que le beau linge de Dearborn - siège social de Ford - tient pareil discours. Pourquoi devrions-nous y croire cette fois?

Dans un passé récent, la marque qui avait le privilège de transporter les présidents des États-Unis, a échafaudé plus d'un plan pour retrouver sa gloire d'antan. Plus bourgeoise qu'une Ford, plus raffinée que Mercury (filiale de Ford maintenant disparue), Lincoln a toujours joué la carte de la «classe américaine».

Lincoln devait concurrencer les BMW, Mercedes et Lexus de ce monde; elle devait aussi rayonner en Europe; elle devait aussi incarner - plus que Cadillac encore - le luxe à l'américaine. Aucune de ces prophéties ne s'est réalisée. Au contraire, la Lincoln Motor Company s'est enfoncée.

Lincoln négocie mal le virage des années 90. Ses modèles s'escriment maladroitement à ressembler à des voitures allemandes ou japonaises. Et il y aussi la création de ce fameux pôle haut de gamme, lequel rassemblait les prestigieux blasons Aston Martin Jaguar, Land Rover et Volvo, revendus successivement. Le groupe américain s'est alors recentré sur sa propre marque à l'ovale bleu. Mais, aujourd'hui, le constructeur de Dearborn (Michigan) veut se relancer dans la haute couture automobile avec sa marque de fabrique Lincoln. «La seule que nous avons», a dit Jim Farley, son président, lors de son passage à Montréal la semaine dernière. «Et, ajoute-t-il, nous n'avons plus d'autres distractions, nous pouvons nous y consacrer entièrement.»

Pourquoi y croire maintenant?

La MKZ, nouveau ticket d'entrée de gamme chez Lincoln représente la pierre d'assise du renouveau de la marque. Sa sortie, maintes fois retardée, s'explique ainsi selon Farley: «nous n'étions simplement pas satisfaits de la qualité initiale du produit». Même si la MKZ reprend plusieurs composantes de l'actuelle Ford Fusion, elle s'en distingue à plusieurs égards. Son design est plus sophistiqué et «se révèle conséquemment plus complexe à assembler», précise notre interlocuteur.

Dans la foulée, Lincoln prépare également la commercialisation d'un multisegment de luxe de taille compacte. Une étude de style présentée au salon de Detroit, l'hiver dernier, laisse présager les formes de ce véhicule qui portera vraisemblablement l'appellation MKC. «Ce modèle aura, pense Farley, plus d'importance au Canada qu'aux États-Unis en raison de la rapide croissance de ce segment et nous considérons qu'il y a là une opportunité à saisir.»

Jim Farley estime que la reconstruction va prendre du temps et que Ford sera patient. Lincoln a comme objectif d'attaquer le marché chinois dès l'an prochain avec cinq concessionnaires... À l'heure actuelle, outre le Canada, les États-Unis et le Mexique, la marque est présente au Moyen-Orient et en Corée du Sud. L'Europe? La conjoncture actuelle ne s'y prête pas. Pour l'instant.

Lincoln a de gros progrès à faire. Sa gamme de produits n'est pas assez large pour lutter contre les meilleurs de la catégorie et n'a pas une crédibilité suffisante. Pour ce faire, Lincoln a invité ses concessionnaires à rénover leurs établissements. Aux États-Unis, quelque 130 d'entre eux distribueront exclusivement des Lincoln. Pas au Canada, où le volume de ventes dans le créneau de luxe demeure encore bien modeste. Les Lincoln côtoieront encore des Ford, mais veilleront cette fois à ne pas leur ressembler.