Au salon automobile d'Edmonton, la semaine dernière, le très controversé Jeep Cherokee a fait sa première sortie publique au Canada. Comme à New York, où il a fait ses débuts en avant-première mondiale le mois dernier, le Cherokee suscite bien des commentaires et divise les consommateurs en deux camps. Certains aiment, d'autres pas du tout. Mieux que l'indifférence, non ?

Naturellement, chez Jeep, où l'on ne craint ni les terrains accidentés ni les fortes dénivellations, on se réjouit de tout ce battage autour du dernier-né. « Le temps nous le dira «, a lancé Ralph Gilles, styliste d'origine montréalaise à la tête du bureau de design du groupe Chrysler, à propos du débat que suscite la renaissance du Cherokee.

Avec le Cherokee, Jeep passe à d'autres compromis pour se conformer à la nouvelle donne du multisegment, terme qui désigne une catégorie de faux 4x4 plus civilisés, moins lourds, moins gourmands et pas forcément dotés d'un rouage à quatre roues motrices. Ce créneau de marché très dynamique et fort rentable - apparu dans le sillage des Toyota RAV4, Honda CR-V ou Ford Escape - est appelé à croître de façon exponentielle d'ici 2015-2016, pensent les experts. Et la direction de Jeep veut sa part.

Est-ce seulement le nom ?

Jeep renverse quelques tabous, et après ? La marque américaine cherche seulement à assurer sa pérennité. Tout comme la britannique Range Rover qui, il y a peu, a donné naissance à un utilitaire - l'Evoque - qui reprend l'architecture technique d'une Ford Focus... Pourtant, aucun Anglais n'a trouvé cela shocking. Au contraire, ce véhicule a été salué autant par la critique que par les consommateurs. Et surtout, il a permis à cette marque de renouer avec les bénéfices. Aujourd'hui, un Range sur trois est un Evoque.

Pour peu qu'on ne touche pas au légendaire Wrangler, même les plus inconditionnels de Jeep comprennent la mission qui incombe au nouveau Cherokee. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois que Jeep transgresse les limites. Pensez seulement aux Compass et Patriot. Ces deux véhicules reposent sur une architecture à roues avant motrices.

En vérité, le problème ici, ce n'est pas tant les choix techniques de Jeep, mais essentiellement la reprise d'une appellation aussi « mythique «. Pour certains amateurs, il s'agit d'un crime de lèse-majesté. Comme si, demain matin, Ford proposait une version quatre portes de sa Mustang ou encore que Mini appose son logo sur une limousine de plus de 5 mètres de long. On peut comprendre, mais le Cherokee est disparu de la circulation depuis 2001. Ce n'est pas hier.

Alors où est le mal ? La première génération du Cherokee pesait plus de 2 tonnes, était mue par un moteur V8 « quatre barils « auquel était reliée une boîte automatique à trois rapports. Le futur Cherokee compte deux fois moins de cylindres et trois fois plus de rapports. La loi darwinienne s'applique aussi à l'automobile.