Me voilà devenu vendeur de «chars usagés». L'idée me fait sourire, mais pas autant que ces gens venus voir l'auto que j'ai à vendre depuis quelques jours.

Rassurez-vous, ce n'est pas celle à laquelle vous pensez. Celle-ci dort profondément dans un garage dans l'attente d'une pièce. C'est une autre, beaucoup plus jeune et fiable que les autres bagnoles de ma «collection». Voilà sans doute pourquoi je veux m'en départir. Elle m'ennuie.

Comme les vendeurs de «chars usagés», je reçois beaucoup d'appels. À mon grand étonnement, tous ces acheteurs ont retenu mon numéro de téléphone, mais personne n'a noté les détails qui le précédaient. Pourtant, j'ai tout inscrit, même si l'Office de la protection du consommateur (OPC) ne m'y oblige pas. La marque, le modèle, l'année de fabrication, le kilométrage, les caractéristiques techniques, les réparations effectuées, etc. Tout est consigné sur une feuille 8x11 collée sur la vitre du conducteur.

Personne n'a lu le descriptif. Sauf un. C'était dimanche. Le jeune homme au téléphone est allé droit au but: On peut la conduire? Enfin, un.

«Mon» acheteur débarque en plein jour avec un copain. Voilà qui est sage, me disais-je intérieurement. Après les salutations d'usage, plus un mot. Pendant une vingtaine de minutes, ils auscultent toutes les parois de la carrosserie, l'intérieur des ailes, le plancher du coffre à la recherche d'un grain de rouille qui n'existe pas.

Elle a été accidentée?

Jamais.

Elle a été repeinte alors?

Pas du tout, c'est son état original.

Et «mon» client reprend son investigation de plus belle à la recherche de je ne sais quoi.

Et pourquoi vous la vendez, au juste?

Cette question me fait toujours sourire. À question idiote, réponse idiote? J'ai eu envie de lui répondre que le moteur était sur le point de rendre l'âme et que je craignais à tout moment de tomber en panne. C'était bien sûr une blague, mais je me suis tout de même abstenu de la lui raconter. Il l'aurait cru.

Comme il m'a cru lorsque je lui ai indiqué que l'entretien de ce véhicule avait été scrupuleusement suivi. Ce n'était pas une plaisanterie. Mais à aucun moment, il n'a exigé de preuves. Dommage, j'aurais aimé lui montrer l'estampille du concessionnaire sur chacune des pages du carnet d'entretien. Il aurait alors aussi vu que le kilométrage n'avait pas été faussé.

J'avais aussi en ma possession les factures de toutes les pièces remplacées - y compris les ampoules -, ainsi que les attestations prouvant que les rappels de sécurité avaient été effectués. J'avais même en poche la quittance de l'institution financière.

Pas un mot de sa part sur l'un ou l'autre de ces sujets. Pourtant, ce sont là les vraies questions à poser. Il y en a d'autres. Par exemple: «L'une des garanties du constructeur est-elle toujours en vigueur?»

Aussi, il aurait pu prendre en note mes coordonnées, le numéro de série du véhicule et faire des vérifications auprès de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) et de l'OPC en passant par le Registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM).

Il aurait également pu exiger une inspection mécanique avant. Rien.

Consommateur averti? Mon oeil! Il l'a achetée dans l'heure.

Bon vendeur, alors?