Invité à commenter l'achat par le groupe Volkswagen du constructeur italien de motos Ducati, un expert de l'automobile allemande à l'Université de Duisberg-Essen dit: «Ducati ne fait aucun sens pour Volkswagen, ni économiquement ni techniquement». On ne s'obstinera pas longtemps avec l'expert. Il a raison.

Mais le grand patron de Volkswagen, Ferdinand Piëch, est un être d'exception.

Pour peu qu'on aime les autos, cet homme est précieux.

Motocycliste convaincu, le «président du conseil de surveillance du VW Group» adore les Ducati. Alors, il s'est offert la marque pour son 75e anniversaire de naissance, anniversaire qu'il célébrait incidemment mardi dernier, la veille de l'officialisation de la transaction.

Piëch est épris de tout ce qui roule et affectionne particulièrement la haute technologie. Ingénieur de formation - il a déposé plus de 100 brevets au cours de sa carrière -, il a notamment développé la Porsche 917 qui a gagné dès son lancement les 24 Heures du Mans, ainsi que la Audi Ur-Quattro qui a remporté 23 rallyes internationaux et deux championnats du monde.

Génie ou fou?

Ferdinand Piëch est le petit-fils de Ferdinand Porsche, père de la Coccinelle.

Il est né avec de l'essence dans les veines. Celui que l'on surnomme «L'empereur Ferdinand» n'est toutefois pas de commerce agréable, disent certains de ses détracteurs. D'ailleurs, un jour, dans une lettre «anonyme», un employé du groupe l'a traité de «psychopathe». Les représentants des médias qui ont eu l'occasion de le rencontrer hésitent encore à dire s'il est fou ou bien génial. Seule certitude, il ne manque pas de poigne. Le Financial Times l'a déjà qualifié de «rottweiller de l'automobile».

Sous sa gouverne, Volkswagen a racheté des marques mythiques comme Bentley et Lamborghini, fait renaître de ses cendres la firme Bugatti est même parvenu à réunir au sein d'une même entité Volkswagen et Porsche, les deux constructeurs créés respectivement par son grand-père et son oncle, Ferry Porsche.

Mégalomane, coureur de jupons (il a 12 enfants, de trois mères différentes) et milliardaire, Ferdinand Piëch a toujours considéré que cette constellation de marques allait permettre à l'entreprise qu'il dirige de ratisser tout le spectre de l'offre automobile: de la petite auto économique à la plus luxueuse.

C'est aussi sous l'impulsion de Piëch que la stratégie des architectures modulaires prend forme. Le principe est simple: partager le maximum d'éléments communs, invisibles pour le client. Un jeu de Meccano géant habilement peaufiné au fil des ans pour rendre la production plus flexible, réduire les coûts de développement et accélérer la sortie de nouveaux modèles.

Un exemple? En voici un parmi mille: le moteur 2 litres suralimenté par turbocompresseur. On le retrouve aussi bien sous le capot des Audi (A3, A4, A5 et Q5) que des Volkswagen (Beetle, Golf GTi, Jetta GLi).

Tant qu'il y aura des hommes et des femmes, comme Ferdinand Piëch, animés par cette foi et poussés par une exigence qui les entraîne irrésistiblement en quête de la perfection, la part de magie que l'automobile comporte encore nourrira nos rêves. Hélas, la race se meurt, remplacée par des technocrates, des comptables et des gestionnaires qui n'ont aucune idée de ce qu'ils produisent. Tout ce qui leur importe, c'est que ça roule.

Bon anniversaire Ferdinand!