Les chanceux sont ceux qui arrivent à tout. Les malchanceux, ceux à qui tout arrive. À la lumière des récents rappels, on serait tenté de faire figurer le groupe Toyota dans la seconde catégorie. Voilà aussi la preuve qu'être le numéro un mondial ne constitue pas une garantie de succès. La direction de GM peut en témoigner. La moindre information un tantinet négative se retrouve à la une des médias. On ne pardonne rien à un premier de classe...

Irréprochable dans le domaine de la qualité et de la fiabilité, Toyota vient d'encaisser un dur coup avec cette histoire «d'accélérateur bloqué». Mais elle s'en remettra. Ses pertes de parts de marché auxquelles s'ajouteront des répercussions judiciaires encore difficiles à évaluer seront sans doute moins préjudiciables que la dégradation de son image. Mais Toyota se rétablira. D'ici quelques mois, voire quelques années, les consommateurs auront oublié, comme ils ont oublié les cas d'accélération soudaine qui ont terni l'image d'Audi dans les années 80 ou des pneus Firestone qui déjantaient les roues des Ford Explorer au début des années 2000.

 

En fait, le plus intéressant de cette histoire n'est pas tant la réaction citoyenne du constructeur ni les revendications de son fournisseur, CTS Corp., mais plutôt à quel point cette crise était prévisible. Seriez-vous devin, monsieur le chroniqueur?

 

Sous la direction de Hiroshi Okuda (président de 1995 à 1999) surtout et de Katsuaki Watanabe (de 1999 à 2009), la multinationale japonaise a longtemps fait mine de ne pas s'intéresser publiquement au titre de numéro un mondial détenu par GM. Elle clamait plutôt son désir d'occuper la première place en matière de qualité et satisfaction client. Pourtant, la marque préparait sa machine de guerre. Toyota dispose entre autres d'un capital énorme pour financer des investissements stratégiques à long terme. Elle bénéficie également d'un déploiement géographique équilibré, de gammes complètes, de produits compétitifs jouissant d'une excellente réputation.

 

Armée jusqu'aux essieux, le constructeur a lancé une offensive commerciale sans précédent en diversifiant son portefeuille de modèles et en augmentant ses capacités de production de quelque 2,5 millions d'unités. Ce faisant, Toyota a été contraint d'accélérer la conception, de raccourcir le temps de mise au point, de serrer les boulons de certains fournisseurs. Conséquence, tout va très vite. Trop vite. La période d'essais et de validation a ainsi été réduite au minimum afin de permettre au constructeur de passer pratiquement sans attendre de la conception à la production. Une méthode longtemps employée par GM du temps où il se moquait de ses clients.

 

Revenons au constructeur Toyota. Il arrache le premier rang au prix fort, mais il en a les moyens. Mais il y a la crise... Toyota demeure en tête, mais plie des genoux. D'ailleurs, la société japonaise enregistre le premier déficit de son histoire et suspend temporairement l'assemblage de certains modèles. La panique s'installe, on invite le patron à céder son fauteuil au petit-fils du fondateur, Akio Toyoda.

 

Le Toyota Way, système dont tout le monde s'est accommodé tant que la croissance était là, ne fonctionne plus. Et le nouveau président Toyoda n'est pas sans le savoir. Au moment de sa nomination, il avait d'ailleurs prévenu ses troupes (NDLR: c'est lui le devin): «Nous nous sommes peut-être étendus plus que nous ne l'aurions dû. Dans certains domaines, nous devrons faire marche arrière et revenir aux bases.» Sans doute, comme son grand-père, Akio Toyoda a-t-il compris qu'il ne fallait ni accélérer ni ralentir, seulement maintenir une vitesse constante. Après tout, être numéro un, ça rapporte quoi?

 

 

LE FIL DES ÉVÉNEMENTS

 

> Mars 2007: Toyota découvre un problème de pédale d'accélérateur sur certaines camionnettes Tundra.

 

> Juillet 2008: Les autorités routières américaines ouvrent une enquête sur des cas d'accélération subite impliquant des camionnettes Tundra.

 

> Août 2009: Un couple et leur fille se tuent au volant d'une Lexus ES 350 à San Diego. Leur mort est enregistrée sur un appel 911.

 

> Septembre 2009: Le président Akio Toyoda s'excuse au nom de Toyota au sujet de l'accident, promet de ramener le constructeur à ses valeurs de base.

 

> Septembre 2009: Les autorités routières américaines déclarent qu'un rappel de 3,8 millions de véhicules s'impose.

 

> Novembre 2009: Toyota est semoncé publiquement par les autorités routières américaines, qui lui reprochent des déclarations inexactes au sujet du problème des tapis protecteurs.

 

> Novembre 2009: Toyota s'excuse, mais nie avoir voulu induire quiconque en erreur. Le constructeur procède au rappel: au total, 4,2 millions de véhicules sont concernés, en comptant ceux qui roulent au Canada.

 

> Décembre 2009: Consumer Reports rapporte que 40% de toutes les plaintes d'accélération subite en 2008 concernent des véhicules de Toyota. Sa part de marché est de 16%.

 

> Janvier 2010: Toyota rappelle près de 2,6 millions de véhicules aux États-Unis et au Canada pour un problème de pédale d'accélération. Il suspend la vente de huit modèles et ferme six chaînes de montage. Il ajoute 1,1 million de voitures aux rappels nord-américains et annonce des rappels en Europe et en Chine.

 

COURS DE CONDUITE

 

Pour faire suite à notre capsule de la semaine dernière, ajoutons que pour améliorer vos habiletés de conduite sur la neige et la glace, il existe aussi une école et un centre d'entraînement chez Méca-Glisse. Vous pouvez consulter leur site web à l'adresse suivante: www.mecaglisse.com

PHoto Toyota

Le Toyota Tundra 2003.