C'est une évidence, le Salon automobile de Francfort, qui s'est ouvert jeudi dernier, est un salon chargé en électricité.

Audi, BMW, Opel, Renault, Toyota et Volkswagen, pour ne nommer qu'eux, ont tous quelque chose à «ploguer», si vous nous permettez l'expression. À tel point que les habitués de cette exposition biennale sur l'automobile, longtemps axée sur la performance, peinaient à trouver leurs repères. Même Greenpeace, habituellement très actif durant les journées réservées à la presse, était absent du terre-plein situé en face de l'exposition.

 

D'ailleurs, au sortir du salon, il y a au moins une chose (on reviendra plus loin sur une autre) qu'on peut reprocher aux dirigeants de l'industrie: c'est de chercher à enjoliver la situation. De faire croire, en quelque sorte, que remplacer les réservoirs de nos véhicules par des batteries éloignera la crise qui la secoue et permettra à elle seule de changer le cours des choses sur une planète qui ne tourne déjà pas très rond.

 

Dès lors, face à des discours aussi optimistes, devant de tels assauts d'apparente sincérité, de franchise et de transparence, on finit par se montrer un brin soupçonneux: ces dirigeants ne forceraient-ils pas - encore - un peu le trait, ne rajoutent-ils pas un peu trop de couleurs sur un tableau qui demeure encore bien sombre?

 

Ce qui frappe, au Salon de Francfort - et dans d'autres expositions du même genre -, est que tout bouge et se contredit en permanence. La seule constante: le changement de statut du véhicule électrique qui sort progressivement de la marginalité.

 

Pour le reste, cela demeure encore bien flou. À commencer par l'importance parfois exagérée qu'on lui prête de sortir l'automobile de la crise.

 

 

Chez Renault, constructeur sans doute des véhicules électriques les plus créatifs et adorables de ce salon, on estime que le «tout électrique» représentera 10% des parts de marché d'ici 2020. D'autres, dont le cabinet de conseil Olivier Wyman, auteur d'une étude sur l'«e-Mobility», tablent plutôt sur un maigre 3% d'ici 2025... alors que Ulrich Hackenberg, responsable des recherches chez Volkswagen et père de la L1, estime tout au plus à 2% sa part de marché d'ici 10 ans. Qui pèche par optimisme ou négativisme?

 

Chose certaine, le consortium Renault-Nissan semble avoir une longueur d'avance comme en font foi les nombreuses ententes signées dans le secteur public aux États-Unis, en Israël et au Danemark avec son partenaire californien Better Place (www.betterplace.com) pour remplacer, dès 2016, 100 000 voitures à essence par des véhicules électriques. Le consommateur suivra-t-il le mouvement? Là est LA question.

 

Comprenons-nous bien, les dernières avancées technologiques font du véhicule électrique une solution d'avenir, mais il est encore trop tôt pour présumer de son impact sur le marché tant que les questions liées aux infrastructures (lieux de ravitaillement), au coût (subvention de l'État ou pas), à l'autonomie réelle (condamné à un usage urbain?) n'auront pas trouvé réponses.

 

Dans l'ombre des projecteurs, tous braqués sur les dévoilements des véhicules électriques, une révolution s'amorce. Preuve que derrière chaque prise (électrique) il y a une pompe (à essence). Moins spectaculaire sans doute, mais résolument efficace: le downsizing. C'est-à-dire le ralentissement de la course à la puissance ou à la cylindrée. Et, plus largement, la naissance de modèles de plus en plus soucieux de leur poids et de leurs lignes.

 

L'autre sentiment

 

Même si les capitaines de l'industrie prétendent qu'ils naviguent en direction d'eaux moins troubles, reste qu'à Francfort, les effets de la crise des derniers mois étaient vérifiables.

 

D'abord, la quasi-absence des constructeurs japonais (Lexus, Subaru, Toyota et Mazda étaient les seuls du voyage) et américains (Chevrolet se trouvait sous une tente de fortune à l'extérieur des sept halls d'exposition en compagnie de Dacia, le partenaire roumain de Renault).

 

Triste, dites-vous. Attendez de voir Tokyo, le mois prochain. Cela risque d'être plus désolant encore.

Photo AP

Ulrich Hackenberg (à gauche), responsable de la recherche chez Volkswagen et père du prototype L1, estime tout au plus à 2% la part de marché des véhicules tout électriques d'ici 10 ans. (Au centre, le président de Volkwagen, Martin Winterkorn, à droite Walter da Silva, designer en chef du constructeur allemand.)