Les constructeurs automobiles n'ont aucun contrôle sur l'odeur de l'asphalte surchauffé des villes ou celle du foin fraîchement coupé des campagnes. En revanche, pour ce qui est de l'odeur dégagée à bord des habitacles, ils savent comment nous mener par le bout du nez.

Pour vendre, l'industrie automobile a, pendant des années, fait appel aux mêmes sens: la vue et l'ouïe. Les autres sens? Ignorés.

 

À tort quand on sait que l'odorat, par exemple, affecte nos émotions presque deux fois plus que les autres sens. Voilà pourquoi aujourd'hui, ce qui fait la différence pour le consommateur, c'est l'olfactif.

 

Attention, on ne parle pas ici de suspendre un sapin magique qui transforme l'habitacle de votre voiture en forêt, mais bien du choix attentionné des textures (fibres, mousses, plastiques, colle, etc.) pour s'assurer de créer une alchimie à la fois discrète et désirable, pour faire de vous un acheteur détendu et un client payant.

 

Voilà pourquoi l'habitacle d'une Chevrolet Aveo n'exhale pas le même parfum que celui d'une Rolls-Royce Phantom. D'ailleurs, l'auguste marque britannique a sans doute été l'une des premières à "sentir" l'importance du design olfactif. Même si la qualité des matériaux employés par Rolls est indiscutable (qualité des cuirs, des bois et des vernis), plusieurs richissimes clients se plaignaient de ne plus humer la même odeur que par le passé. L'explication tenait à l'usage de mousses de garnissage, de polymères et plastiques qui noyaient l'odeur d'antan et banalisaient du coup la palette olfactive réputée de la marque.

 

Pour remédier à la situation, un spécialiste des parfums artificiels a, au terme de son analyse de l'essence de l'habitacle d'une Silver Cloud de 1965, est parvenu à recréer les odeurs caractéristiques des Rolls-Royce des années 60: des effluves de bois exotiques, de cuir, de laine...

 

Mis en bouteilles, le précieux parfum est désormais vaporisé dans les voitures lors de leurs entretiens réguliers. Quant aux neuves, Rolls-Royce a remédié au problème en procédant à une série de tests sur chacun des matériaux qu'elle utilise pour ressusciter, sans artifice, l'atmosphère tant recherchée.

 

L'ADN des mauvaises odeurs

 

Pour s'assurer de bons résultats, Rolls-Royce, comme bien d'autres constructeurs, analyse chacun des matériaux.

 

En partant du constat que chaque matériau dégage une odeur particulière dans des conditions données (température, exposition aux intempéries, etc.), les constructeurs se sont lancés dans une étude exhaustive pour ficher l'ADN de chacun d'eux.

 

Pour ce faire, rien n'est laissé au hasard pour traquer les mauvaises odeurs. La batterie de tests est aussi saisissante que variée. D'abord en laboratoire, puis sur la voiture elle-même.

 

Chez Audi, par exemple, ces analyses sensorielles sont menées par une demi-douzaine de "nez". Tous des volontaires qui, chaque semaine, "reniflent" les cuirs, les plastiques, les tissus, bref tous les matériaux qui habilleront les créations du constructeur d'Ingolstadt.

 

Ces "nez", autant féminins que masculins, se penchent donc sur des échantillons froids, puis chauffés, et doivent décrire chacune des odeurs pour ensuite leur attribuer une note. Une fois cette étape franchie, chaque matériau est contrôlé à nouveau dans différentes conditions de température pour vérifier encore une fois les odeurs qui s'évaporent et ce, en tenant compte que chacun d'eux ne sera pas exposé de la même manière.

À titre d'exemple, sous un soleil de plomb, la température de la partie haute du tableau de bord est deux à trois fois supérieure à celle de la partie basse. Dans ces conditions, il importe que l'odeur dégagée soit uniforme, au risque de produire un cocktail nauséabond.

 

Tout ce travail peut sembler bien futile. Un petit "sent-bon" artificiel n'aurait-il pas fait l'affaire? Sans doute, mais il y avait un risque: flanquer des maux de tête au conducteur comme à ses passagers!

Photo François Roy, archives La Presse

De façon à redonner à ses nouveaux modèles l'odeur disctinctive des véhicules de la marque, Rolls-Royce a embauché un spécialiste des parfums artificiels qui est parvenu à recréer les effluves caractéristiques des Rolls des années 60: bois exotiques, cuir, laine. De quoi satisfaire ses richissimes clients...