Lundi soir dernier, alors qu'il prenait la parole devant un sous-comité parlementaire à Ottawa, le président et chef de la direction de Ford Canada, David Mondragon, avait une proposition à faire pour contrer la chute brutale des ventes de véhicules neufs: instaurer une «prime à la casse».

Dans l'esprit de M. Mondragon, il suffit que le gouvernement canadien offre aux consommateurs une prime de 3500$ pour envoyer à la ferraille leur vieille auto et en acheter une neuve. Pragmatique, le numéro 1 de Ford au pays estime que ce programme coûterait 350 millions de dollars aux contribuables. L'idée n'est pas nouvelle et a déjà cours dans certains pays industrialisés(1).

 

L'argumentaire en faveur de la mise en place d'une telle politique est double. D'une part, elle inciterait de nombreux automobilistes à vouloir changer de véhicule, ce qui permettrait à l'industrie d'écouler ses stocks et, du coup, de préserver des emplois (usines, concessions, équipementiers, etc.). D'autre part, elle permettrait d'assainir l'environnement dans la mesure où cette prime enverrait à la casse bien des minounes polluantes et mal entretenues.

Il faut savoir que le gouvernement fédéral propose déjà une prime similaire, mais le consommateur obtient en retour de son tacot (qui doit être âgé dans ce cas-ci de 12 ans) d'un certificat de 300$ qu'il peut utiliser pour acheter un laissez-passer d'autobus ou un vélo...

Selon M. Mondragon, la subvention à la casse pourrait susciter des ventes de 100 000 autos neuves de plus en 2009. Son optimisme n'est pas feint puisque ses projections sont basées sur les résultats des ventes de février enregistrés en Allemagne, où une telle mesure est depuis peu appliquée. Au pays des Mercedes, BMW, Porsche et Audi, les ventes ont bondi de 22% grâce à une généreuse (4500$) «prime à la casse». Au total, quelque 27 800 véhicules neufs ont été écoulés en Allemagne durant le deuxième mois de l'année. Ce rebond s'explique par la prime à la casse, mais aussi par une modification de l'impôt sur les véhicules, qui ne se fonde plus seulement sur la cylindrée du moteur mais aussi en partie sur ses émissions de CO2.

Les résultats, qualifiés d'exceptionnels par l'industrie automobile allemande à la suite de la mise en application de cette nouvelle prime, cachent des chiffres moins reluisants. D'une part, le marché de l'occasion s'est complètement effondré. Et comme cette mesure n'est pas nouvelle (elle a été appliquée à quelques reprises au cours des 30 dernières années pour stimuler l'industrie), plusieurs observateurs estiment que l'histoire se répétera: c'est une mesure à courte vue.

 

L'embellie sera de courte durée et l'industrie en fera les frais aussitôt que la prime sera retirée. L'un des effets pervers résidera dans l'intensification de la guerre des rabais et, par là même, la disparition de la notion de prix dans l'esprit des acheteurs. Comment expliquer du jour au lendemain au consommateur qu'une Honda Fit de 12 500$ (avec prime à la casse) coûte soudainement 3500$ de plus après le retrait du programme? L'industrie, qui se trouvera alors sans doute en période de convalescence, pourra-t-elle encaisser pareil contrecoup? Ford peut être, Toyota aussi (le constructeur a joint sa voix à celle de Ford pour la mise en place d'une prime à la casse au Canada), mais les autres?

Hélas, la reprise de la consommation ne viendra pas de dispositions techniques perçues comme complexes et temporaires. Elle ne peut provenir que d'un changement de climat économique, que d'un retour de la confiance.

(1) Une prime à la casse existe actuellement en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne. L'Italie étudie la possibilité d'en offrir une également cet été.