Qu'on se le dise, les embouteillages dans les grands centres urbains sont là pour rester. Et pas seulement au Québec. Fataliste, peut-être. Mais pourquoi s'emporter?

Aujourd'hui encore, je me suis laissé aller à injurier, dans ma tête, une bonne dizaine d'automobilistes qui n'avaient rien fait (ils respectaient scrupuleusement la limite de vitesse, créant ainsi un bouchon monstre) ou pas grand-chose.

Oh, je ne les ai ni apostrophés ni interpellés. Je l'ai fait, mais juste dans ma tête. À la réflexion, peut-être, ai-je laissé passer un juron ou deux. Rien de vraiment répréhensible, car j'étais lâchement protégé par le cocon de ma voiture. J'ai fustigé: «L'imbécile ne sait-il pas que son véhicule est équipé de série de feux clignotants?»

Aussi: «La tarte qui freine tout le temps et qui va me faire rater le feu vert.» Ou encore: «Ce retraité, cette tête à chapeau qui visiblement n'avait rien de mieux que de faire sa promenade du dimanche... un mardi.» Ne vous scandalisez pas de mes propos, j'en passe et des plus gras encore.

Comme vous, peut-être, c'est plus fort que moi, dès que je suis au volant, l'autre devient l'ennemi potentiel, le crétin, le moins que rien, celui qui a trouvé son permis de conduire dans une boîte de Cracker Jack, pour reprendre une expression populaire de ma jeunesse pour décrire celui ou celle qui n'a jamais fait le moindre effort pour bien conduire.

Pourtant, il y a une limite que je me garde bien de franchir, celle de l'agressivité pure et dure. Celle qui fait confondre son véhicule pour une arme? La route pour le front? La circulation pour la guerre? Comment expliquer ces transferts de la personnalité?

Psychologues, psychiatres et sociologues avancent tous des théories qui tiennent plus ou moins la route. On tâtonne. La couleur, la puissance et les dimensions extérieures de votre véhicule auraient un effet sur le comportement des automobilistes qui vous entourent.

La race, l'âge, la scolarité, le sexe du conducteur, la congestion routière, les limites de vitesse, le stress au bureau ou à la maison, les enfants, voire les autocollants qui tatouent le pare-chocs de votre véhicule (qui sait, peut-être un automobiliste serait jaloux de lire que vous êtes déjà allé à Old Orchard...) sont autant de raisons pouvant faire sauter les plombs de certains automobilistes.

Moi aussi, il m'arrive de m'emporter. Bel exemple pour mon neveu de 10 ans qui, parfois, lorsqu'il voyage avec moi, n'a de cesse de me faire remarquer, lorsque je l'exprime ouvertement, la stupidité de mon comportement. «Pourquoi le traites-tu de con? Il ne t'a rien fait.» Bien sûr, il a raison. La vérité ne sort-elle pas de la bouche des enfants? Et d'un adulte aussi.

Je ne suis pas le seul. Plusieurs centaines d'automobilistes ont les mêmes réactions. Certains en ont des pires. L'agressivité au volant, vous connaissez?

Un fort pourcentage d'automobilistes avoue, selon des études, avoir déjà eu des comportements agressifs à l'égard des autres usagers de la route. Est-ce l'auto elle-même qui, en nous protégeant comme une armure, nous rend méchants? Est-ce parce que nous nous identifions à la puissance de ces mécaniques dont nous sommes, pour un temps, les seigneurs et maîtres? Quelle que soit l'explication, cette attitude est ridicule. Dangereuse aussi.

Avec l'arrivée de l'hiver, prenons la résolution de nous calmer un peu. Essayons d'être détendus, bien dans notre habitacle chauffé (pas trop quand même) et regardons les autres d'un oeil bienveillant.

Surprenons-nous ce matin à inviter, d'un geste de la main, notre voisin d'embouteillage à se glisser devant le capot de votre voiture. Souriez au piéton qui traverse trop lentement. Baissez la glace pour vous excuser d'une manoeuvre pas trop catholique. Et ça change tout. Ça ne vous met pas un peu de baume au coeur, ça?

Ça vaut la peine d'être un gentil automobiliste. Et si nous essayions, une fois, pour voir, tous ensemble? Pourquoi pas une journée nationale de la courtoisie au volant? Quand? Lundi prochain, tiens! Ça vous laisse une grosse semaine pour vous préparer. À quoi? À tourner la langue sept fois avant d'injurier un autre usager de la route et à conserver vos 10 doigts sur la jante du volant.

Je suis convaincu que la vie nous semblera plus belle et la route plus sûre. Rêveur? Oui, je le suis. Pas vous?