La météo de lundi et de mardi montre que Renault a vraiment eu une bonne idée de ne pas commercialiser la Renault 4 ici à grande échelle, même quand elle en vendait des centaines de milliers par année dans 100 pays. Mais quiconque a voyagé un peu a vu des R4 un peu partout dans le monde, puisque 4,8 millions d'entre elles ont été vendues hors de France. Dont un certain nombre au Québec (merci à nos lecteurs hgratton et cyble !).

Mardi, pendant qu'on pelletait ici, Renault a annoncé à Paris que la R4 fêtera en 2011 son 50e anniversaire. Bien que la production ait cessé en 1992, la R4 elle demeure le troisième modèle le plus vendu (parmi les voitures qui ne sont plus commercialisées aujourd'hui) dans l'histoire de l'histoire de l'automobile derrière la Volkswagen Coccinelle et le Modèle T de Ford, dit Renault.

Le constructeur français a diffusé un historique de la populaire bagnole, qui rappelle que 8 135 424 unités ont été produites entre 1961 et 1992 dans 28 pays et vendues dans une centaine de pays. En fait, ce chiffre officiel de 8,1 millions d'unités est légèrement inférieur au nombre réel, puisque deux assembleurs étrangers qui détenaient des licences (au Maroc et en Slovénie) ont continué à en construire en petite série jusqu'en 1994. L'auteur de ces lignes avait loué un Land Rover pour rouler dans le bled marocain en 1990 et avait été stupéfait de se faire dépasser sur des routes cahoteuses des monts Atlas par une R4 (à quatre roues motrices!) avec des chèvres sur le siège arrière. De retour sur la côte, il en avait loué une (une R4, pas une chèvre), avec une invraisemblable transmission manuelle à 3 vitesses, pour rouler d'Agadir à Essaouira et au-delà vers le Nord. C'était une formidable petite voiture, très agréable à conduire.

«Voiture blue-jean»

Selon les historiens de Renault, c'est le patron de la compagnie, Pierre Dreyfus, qui avait lancé le projet de la R4 en 1956: il voulait une «voiture blue-jean» qui ait les caractéristiques de ce vêtement devenu universel, soit polyvalente, pas chère, mondiale. Lancée en 1961, la R4 a atteint la millionième unité vendue seulement six ans plus tard.

Renault la décrit comme «iconique», ce qui n'est pas surprenant compte tenu qu'on a l'icône facile dans l'industrie automobile. Mais même si l'expression est galvaudée, c'est vrai dans le cas de la R4. Elle a été populaire à toutes les époques, déclinée en d'innombrables versions et a été un des grands succès internationaux de l'industrie automobile française. On l'a vu dans des dizaines de films: c'est une fourgonnette R4 de la poste française que Jean Reno et Christian Clavier détruisent à coups de masse et d'épée dans le film Les Visiteurs

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Elle a été assemblée dans 27 pays (hors France), aussi lointains que l'Australie, l'Afrique du Sud, le Chili ou les Philippines. Soixante pourcent de la production a été vendue hors de France. Mais peu au Canada. On en voit encore à de très rares occasions, elles appartiennent à des collectionneurs.

Les prototypes de la R4 avaient été testés en Suède et sur «les routes gelées du Minnesota, mais c'était bien plus pour rechercher les conditions extrêmes d'utilisation que pour préparer les Renault 4 à ces conditions spécifiques de roulage», se remémore Renault dans son historique publié mardi matin.

Testée au Minnesota... vendue au compte-gouttes au Canada

La R4 était un poids-plume et avait des pneus aussi minces que ceux d'un vélo de montagne d'aujourd'hui. On imagine que les essais de la très légère R4 dans le froid et la neige ont souvent été faits à la pelle et à la remorqueuse. Et seulement les jours où les pilotes parvenaient à faire démarrer le moteur notoirement frileux.

"Je me souviens que l'hiver il fallait utiliser la manivelle (heureusement fournie) en plus du démarreur pour arriver à faire toussoter le moteur", nous écrit un lecteur, Daniel Granger, qui dit avoir quand même de bons (et de moins bons) souvenirs de la R4 dans laquelle il a appris à conduire durant les années 60. "Même là, il arrivait que l'embrayage soit gelé et rien ne bougeait. De plus, les cardans des premiers modèles n'étant pas scellés, la neige et le sel s'y infiltraient: inutile de dire que leur durée de vie était assez limitée."

Si vous aussi, avez conduit une R4 ici, écrivez-nous dans les commentaires, dites-nous comment c'était par une journée de tempête de neige.

En tous cas, dans le film Les bronzés font du ski, les acteurs Michel Blanc et Christian Clavier (encore lui) interprètent deux parfaits incompétents dans la neige, qui conduisent... une R4.

Mais attendez... Ai-je rêvé ou M. Granger a-t-il bien parlé de "manivelle" pour les démarrages par grand froid ?

" C'était la même que celle qui servait à démonter les roues, mais il y avait une ouverture sous le pare-chocs avant où il fallait introduire la manivelle et "crinquer" comme pour faire démarrer les voitures des années 1920, écrit M. Granger. Lorsque tout était gelé, cela aidait la batterie et le démarreur...et ça fonctionnait, en général. Par contre, lors des grands froids, je me souviens que mon père rentrait la batterie dans la maison pour qu'elle passe la nuit au chaud!"

"Jamais pris dans la neige", mais tenue de route hivernale aléatoire

"Par contre, durant l'hiver, grâce à la traction avant, nous ne restions jamais pris dans la neige. ajoute M. Granger. Mais il n'existait pas de pneus à neige pour ce modèle (on nous disait d'ailleurs que c'était inutile!). La tenue de route était toutefois un peu aléatoire puisque la voiture était chaussée de Michelin d'été à l'année."

Voici ce que le résumé historique de Renault dit des velléités de lancer la R4 dans toute l'Amérique du Nord : «Dès 1961, Pierre Dreyfus interroge la direction commerciale sur la vente de la Renault 4 aux États-Unis. Les avis sont si mitigés que la décision est repoussée... à 1962, où l'idée d'écouler la Renault 4 au Canada est sur le point d'être prise, en sachant pertinemment qu'un lancement au Canada conduit aux États-Unis! Mais faute d'une après-vente suffisante, la décision est une nouvelle fois repoussée.»

Curieusement, il n'y a pas de mention des ventes au Québec dans le document.

Même avec son usine à Saint-Bruno-de-Montarville, où Renault a assemblé la R8 de 1964 à 1972, la compagnie n'a jamais donné le feu vert à la R4 nord-américaine à grande échelle. Un courriel envoyé mardi à Renault et posant des questions sur la commercialisation au Québec n'a pas produit de réponse. Mais plusieurs lecteurs nous disent avoir eu une R4, ce qui permet de penser que Renault a testé le produit ici avant de prendre une décision portant sur le marché nord-américain.

En définitive, Renault a plutôt décidé de mettre tous ses efforts avec la R4 en Amérique du Sud et en Amérique centrale, où la petite bagnole a connu beaucoup de succès.

Bonne chaufferette, pare-choc "tringle à rideaux"

Mais elle a laissé des souvenirs ici : "Mon père en a acheté une (neuve) en 1963... et c'est au volant de cette voiture que j'ai appris à conduire ici-même, à Montréal", dit encore notre lecteur, M. Granger. "C'est même dans cette R4 que j'ai passé mon examen pratique de conduite; je me souviens très bien la mine paniquée de l'examinateur lorsqu'il a entendu le son de la portière en la refermant (style boîte de conserve!)... et lorsqu'il a vu le bras de vitesse recourbé sortant du tableau de bord !"

"Malgré leur apparence rudimentaire, les sièges étaient assez confortables et la chaufferette étonnamment efficace (contrairement à celle de la VW Coccinelle). À la différence du modèle que vous présentez, le pare-chocs arrière était constitué de deux tubes chromés superposés (les mauvaises langues disaient:"deux tringles à rideaux") et il fallait rabattre ce pare-chocs pour pouvoir ouvrir le hayon."

Photo fournie par Renault

La Renault 4 a été populaire à toutes les époques, déclinée en d'innombrables versions et a été un des grands succès internationaux de l'industrie automobile française.