Berceau de l'industrie automobile américaine, Detroit se prend à croire à la renaissance, avec plus de deux milliards de dollars d'investissements annoncés en une semaine par les trois grands du secteur: Ford, General Motors et Chrysler.

À la clé, quelque 3 700 nouveaux emplois dans l'État du Michigan, qui souffre depuis plusieurs années d'un chômage à plus de 10%.

C'est un revirement qui semblait difficile à imaginer il y a deux ans, quand GM et Chrysler avançaient inexorablement vers la faillite, tandis que Ford semblait aussi très fragile.

Depuis cinq ans, les effectifs ouvriers des trois constructeurs ont fondu de plus de moitié aux États-Unis, passant de quelque 230 000 en 2005 à environ 105 000 aujourd'hui.

GM et Chrysler investissent à nouveau après des dépôts de bilan expéditifs en 2009, auquel Ford a pu échapper grâce à une renégociation de ses dettes menée au bon moment. Les trois constructeurs affichent une forte reprise de leurs ventes.

«Les bilans sont nettoyés. (Le redressement) est bien plus rapide que je ne l'aurais pensé. Il y a bien plus d'argent que je l'avais prévu», souligne Kristin Dziczek, experte au Centre de recherche sur l'automobile à Ann Arbor (Michigan).

«Avec beaucoup de technologies avancées, il y a plus de risque, et les sociétés veulent mieux coordonner l'ingénierie et la production», ce qui justifie que les constructeurs souhaitent maîtriser le processus, ajoute-t-elle.

Ford, qui a annoncé mardi avoir dégagé un bénéfice net de 1,7 milliard de dollars au troisième trimestre, en hausse de 69%, va investir 850 millions de dollars dans des usines proches de Detroit, ce qui devrait créer 1 200 emplois en deux ans.

GM crée de son côté 1 600 emplois au total, en ajoutant une deuxième équipe dans une usine de Cadillac de Lansing, à 150 km de Detroit, et en développant l'ingénierie de véhicules électriques et hybrides - pour des investissements totaux estimés à 380 millions de dollars dans le Michigan.

Chrysler de son côté a confirmé qu'il entendait dépenser un milliard de dollars pour rénover des usines à Sterling Heights, dans la banlieue de Detroit, et à Dundee, près de la frontière avec l'Ohio.

Alors que le site de Sterling Heights avait frôlé la fermeture en 2009, le groupe prévoit désormais d'y mettre au travail une deuxième équipe en janvier, créant 900 emplois.

L'État du Michigan a accordé un crédit d'impôt de 1,3 milliard de dollars sur vingt ans à Chrysler pour encourager le constructeur à se développer sur place plutôt que d'émigrer dans l'Ohio. Un autre crédit d'impôt de 900 millions doit l'encourager à préférer le Michigan à l'Inde, l'Afrique du Sud, l'Europe ou l'Asie.

Pour ce qui est de GM, le crédit d'impôt n'est pas chiffré, mais les experts l'estiment équivalent aux investissements annoncés.

«Cet investissement historique signifie des milliers de nouveaux emplois pour notre État, et la préservation de dizaines de milliers de plus», a justifié le gouverneur Jennifer Granholm, dont le mandat débuté il y a huit ans a coïncidé avec la restructuration des trois constructeurs américains.

Pour Van Conway, président du cabinet local Conway MacKenzie, spécialisé dans les redressements d'entreprise, il semblerait que les trois «majors» de l'automobile et le syndicat ouvrier United Auto Workers aient tiré des leçons des erreurs passées.

GM et Ford ont déjà pris l'engagement de verser des milliards de dollars aux fonds de pension et de santé de leurs ouvriers, ce qui leur permet maintenant de consacrer leurs liquidités aux nouveaux produits, note-t-il.

«La clé, c'est le produit. Et les trois compagnies ont désormais des voitures suffisamment enthousiasmantes».