La grève des ouvriers chinois d'une usine de pièces détachées du constructeur automobile japonais Honda pourrait pousser nombre d'entreprises présentes dans ce pays à revoir leur stratégie, fondée jusqu'à présent sur l'emploi d'une main-d'oeuvre bon marché et docile.

Les salariés de Honda Auto Parts Manufacturing (province méridionale du Guangdong) ont cessé le travail plusieurs jours. Leur mouvement a entraîné l'arrêt des quatre usines d'assemblage de véhicules du constructeur à Guangzhou (Canton), la capitale du Guangdong, et à Wuhan (province de Hubei, centre), faute de pièces détachées.

 

Honda a fini par concéder une augmentation de salaire de 24% aux 1900 employés de l'usine. Ils toucheront désormais 1910 yuans par mois (290$). Le travail a repris mercredi sur ce site et le constructeur envisage de relancer l'assemblage des véhicules d'ici à la fin de la semaine.

 

«Nous n'aurions jamais imaginé qu'une chose pareille se produise», avoue Mamoru Kato, un spécialiste du secteur automobile à l'institut de recherche Tokai Tokyo. Selon lui, «les travailleurs chinois pourraient se sentir encouragés à revendiquer davantage, ce qui augmentera nécessairement les coûts de production».

 

La vague de suicides dans les usines du taiwanais Foxconn Technology en Chine ont récemment de nouveau mis en lumière les conditions de vie éprouvantes des ouvriers du pays. Sous-traitant de multinationales comme Dell, Apple et Hewlett-Packard, le groupe a depuis augmenté de 30% ses salariés chinois.

 

La grève chez Honda a montré pour sa part que les ouvriers locaux pouvaient aussi se mobiliser et que les sociétés étrangères sur place devraient tenir compte de ce paramètre, malgré l'interdiction du syndicalisme indépendant en Chine.

 

«Les salaires sont très bas et les conditions de travail médiocres», relève Yang Lixiong, professeur à l'Ecole du travail et des ressources humaines de l'Université du Peuple à Pékin. Selon la Fédération des syndicats de Chine, organisation syndicale unique et «officielle» du pays, près d'un travailleur chinois sur quatre n'a pas vu sa rétribution évoluer depuis cinq ans.

 

L'écart entre salariés chinois et étrangers est en outre source de frustration: le personnel local de Honda se plaignait d'être payé 50 fois moins que les Japonais travaillant dans la même usine.

 

Les augmentations de salaires décidées chez Honda et Foxconn, si elles faisaient tâche d'huile chez d'autres groupes étrangers, ne seraient pourtant pas forcément de mauvaises nouvelles pour les fabricants. Théoriquement, de meilleures rémunérations font en effet des consommateurs plus dépensiers.

 

«Avec la croissance de l'économie chinoise et des revenus de la population, les entreprises doivent revoir leurs stratégies», estime Tatsuya Mizuno, spécialiste de l'automobile à Mizuno Credit Advisory.

 

Les industriels japonais ont commencé à répartir plus largement leurs usines et sous-traitants en Asie, pour continuer de bénéficier d'une main-d'oeuvre bon marché en dehors de Chine, dans des pays tels que le Vietnam. Parallèlement, elles augmentent la production de certains de leur produits dans l'Empire du milieu, pour suivre la croissance de la demande locale, particulièrement dans le secteur automobile, dont la Chine constitue désormais le premier marché mondial.

 

«Les entreprises nippones doivent viser les consommateurs des classes moyenne et supérieure. Elles peuvent rester devant en étant à la pointe des avancées technologiques», assure en outre Hirokazu Fujiki, analyste à la maison de courtage Okasan Securities.