Pour contrer les tricheurs

Selon Linda Salo, représentante de Draeger, compagnie américaine qui fabrique de tels antidémarreurs, la principale innovation technologique des dernières années est l’accélération du processus. «Avant, il fallait plusieurs minutes pour que l’éthylomètre se réchauffe en hiver, dit Mme Salo, jointe au Texas. Maintenant, ça prend quelques secondes. Nous avons aussi fait des améliorations pour empêcher les tricheurs d’utiliser de l’air comprimé: maintenant, il faut souffler et aspirer tour à tour pour que le système marche.»

À partir de 2012, toutes les voitures vendues en Suède devront être munies d’un antidémarreur lié à un éthylomètre, selon une loi à l’étude dans ce pays scandinave. Précisons que la Suède a une limite d’alcoolémie de 0,02, et le Canada de 0,08.

Cette solution est jugée trop sévère en Amérique du Nord et ailleurs en Europe. Mais divers gouvernements font pression sur les constructeurs automobiles pour qu’ils installent les fils nécessaires dans tous les modèles, afin de réduire le coût de cette option. Elle coûte actuellement un peu plus de 1000.

Cela dit, ce n’est pas demain la veille que toutes les voitures auront un tel antidémarreur. La technologie est loin d’être au point: il y a beaucoup de défaillances techniques. Selon le USA Today, il a fallu plus de 20 ans à l’industrie pour réduire la fréquence des défaillances à un niveau acceptable (la SAAQ a autorisé les antidémarreurs en décembre 1997). Il faudra donc au moins une autre décennie, sinon davantage, pour que le taux de défaillance diminue suffisamment pour ne pas nuire aux automobilistes qui ne conduisent pas saouls, particulièrement ceux qui ne boivent pas du tout.

En plus des technologies actuelles, qui nécessitent que le conducteur souffle dans l’éthylomètre, certaines compagnies essaient de détecter la présence d’alcool à partir des mains du conducteur. Cela réduirait les inconvénients – les modèles actuels requièrent que l’haleine soit testée régulièrement.

À titre de comparaison, après 40 ans de recherches, les dispositifs qui coupent le contact des voitures si les ceintures de sécurité ne sont pas bouclées ne sont toujours pas au point. En 1973, les autorités américaines avaient imposé ces dispositifs, mais avaient dû retirer cette obligation après que le Congrès eut légiféré sur la question. La loi interdit les antidémarreurs et même les signaux sonores durant plus de huit secondes.

Les groupes de défense des droits et libertés, comme l’American Civil Liberties Union, s’opposent aux antidémarreurs obligatoires parce qu’ils coûtent cher et aussi pour protéger la capacité discrétionnaire des juges. C’est dans cette optique, pour réduire les coûts, que certains spécialistes recommandent l’installation des fils d’antidémarreur dans les nouvelles voitures, comme en Suède.

Les compagnies d’assurances intéressées

Selon Gilles Blondeau de la SAAQ, l’installation des fils d’antidémarreur dans toutes les nouvelles voitures est une idée davantage discutée en Europe. «Au Québec, c’est rarement évoqué.»

Des compagnies d’assurances commencent à s’intéresser aux antidémarreurs, notamment pour réduire les primes des jeunes conducteurs. Le Bureau d’assurance du Canada ne pense pas que des compagnies offrent de telles réductions au pays.

Si on compare avec les chiffres des États-Unis, où il y a chaque année 70000 antidémarreurs installés et 1,4 million de cas de conduite en état d’ébriété, l’avance de la Belle Province est évidente. Au Québec, le taux d’installation d’antidémarreurs est six fois plus élevé: dans 30% des cas de conduite en état d’ébriété, par rapport à 5% aux États-Unis. En Suède, ce taux était de 11% en 2003.

Ce retard mène à un durcissement des autorités et des groupes de pression comme Mothers Against Drunk Driving (MADD). Aux États-Unis, MADD propose de rendre obligatoires les antidémarreurs éthylométriques dans tous les cas de conduite en état d’ébriété.

Selon un récent article du quotidien USA Today, une douzaine d’États américains s’intéressent à cette idée. L’an dernier, le Nouveau-Mexique a été le premier à adopter une telle loi. L’État de New York étudie aussi une loi en ce sens. Elle a été présentée par le député qui a fait passer la loi interdisant les cellulaires au volant. Le Rhode Island envisage de rendre les antidémarreurs obligatoires pour les récidivistes et les automobilistes arrêtés avec une alcoolémie de 0,15, deux fois supérieure à la limite.

Au Québec, entre 4000 et 5000 de ces antidémarreurs sont installés chaque année. «Pour la plupart, il s’agit d’une installation volontaire, explique Gilles Blondeau, chef du service de gestion de la sanction des conducteurs à la SAAQ. Un cas typique est celui d’un automobiliste qui se voit condamné à un an de suspension de permis de conduire. Le juge va souvent réduire cette peine à trois mois si l’automobiliste installe un tel dispositif.» Ces sanctions s’accompagnent aussi de cours d’éducation à la consommation d’alcool.

En 2005, par exemple, il y a eu 3780 installations volontaires et 230 obligatoires, pour un total de 4926 (certaines installations durent plus d’un an). Rappelons que de 13000 à 14000 cas de conduite en état d’ébriété surviennent chaque année.

«Nous avons le programme le plus populaire au Canada», dit M. Blondeau.