Aussi, je sais ce qui va se passer: je vais attendre un coup de coeur, une envie instinctive, une pulsion, et choisir, en essayant de ne pas m’égarer, le modèle qui aura su me séduire. L’ennui, je dois changer sous peu. Parmi les véhicules convoités, il s’en trouve qui ne débarqueront pas chez les concessionnaires avant plusieurs mois, comme la Ford Edge ou encore la berline Versa. Quoi faire? Acheter immédiatement au risque d’avoir le coup de foudre demain?

J’avais une compacte. D’ici à ce que je me retrouve au volant d’une camionnette, il n’y a pas si loin. Et la logique, me direz-vous? Il n’y en a pas. Il n'y en a plus...

Je souhaite aussi un véhicule pas trop encombrant pour me garer en ville, mais suffisamment vaste pour amener parents et amis en vacances. Un moteur de moins de 4 litres pour ne pas avoir à débourser la surtaxe prélevée par la Société de l’assurance automobile du Québec sur les grosses cylindrées. Automatique sans doute, pour ne plus faire des sauts de crapaud dans les embouteillages où, tout comme vous, je me retrouve trop souvent. Quatre roues motrices? Pourquoi pas, pour plus de sécurité. Mais est-il nécessaire que le rouage intégral soit permanent? Nos hivers sont moins rudes, n’est-ce pas? Ah oui, j’oubliais: je veux une position de conduite surélevée, le système de divertissement DVD (mon fils adore), des baquets chauffants, toutes les aides à la conduite (à l’exception du dispositif de stabilité électronique, trop aseptisant) et une chaîne audio avec changeur de disques intégré pour ne pas avoir à entendre ma blonde chanter. Avec toutes ces précisions, mon oiseau rare ne devrait pas être trop difficile à trouver.

Eh bien non, car les constructeurs se sont ingéniés à mélanger les genres et croiser les identités. À une certaine époque, la vie était simple, et l’univers automobile rangé par ordre croissant, des sous-compactes aux grandes intermédiaires, avec les sportives, les 4x4 et les familiales pour seules fantaisies. Les envies automobiles suivaient donc une ligne ascendante: qui voulait changer de voiture visait automatiquement un modèle un cran au-dessus, au gré de son évolution familiale ou sociale.

Mais depuis, les concepteurs ont brouillé les cartes. Il y a des petites très coûteuses (Mini Cooper S). Du haut de gamme (Mercedes Classe B) pour moins de 30 000 et des positions de conduite élevées chez les compactes. On retrouve aussi de fausses familiales qui n’embarquent pas une valise de plus que les berlines dont elles dérivent. Il y a même des mariages contre nature qui, ma foi, donnent de jolis fruits: des utilitaires à roues avant motrices incapables de grimper aux arbres (Hyundai Tucson, Pontiac Torrent), des métissages entre utilitaires et fourgonnettes (Cadillac SRX, Audi Q7, etc.) des coupés qui se prennent pour des berlines (Saturn Ion Quad, Mazda RX-8) ou l’inverse (Mercedes CLS). Et il y a aussi des cabriolets avec toit rigide. Du coup, j’ai perdu mes repères. Mes désirs s’entrechoquent, se contredisent.

C’est la seule décision que j’ai prise: changer de voiture. Pour le reste, j’hésite. Une berline cinq-portes, un 4x4 urbain, un petit cabriolet, une familiale? Terrible dilemme: mes désirs se contredisent. À l’aide! En fait, j’ose à peine l’avouer: je ne sais pas quelle voiture acheter.

Mon métier consiste pourtant à essayer les nouveautés du marché. À priori, je suis bien placé pour savoir laquelle est la meilleure et me conviendra le mieux. Mais le nombre de modèles s’est multiplié ces dernières années, la qualité s’améliore, l’équipement s’enrichit, le design n’a jamais été aussi séducteur. L’abondance du choix, c’est le supplice des hésitants. Et je ne suis pas le seul à lire le courrier que vous nous faites parvenir toutes les semaines.

Bon, essayons de procéder avec méthode. D’abord, de quoi ai-je besoin? D’un véhicule confortable, silencieux, fiable, sobre, et roulant en toute sécurité. Ceci posé, je n’ai guère avancé: c’est la définition de la majorité des modèles actuels. Allons plus loin dans l’introspection, de quoi ai-je envie? D’une auto suffisamment spacieuse pour transporter mon vélo ou un utilitaire à quatre roues motrices pour me permettre de rendre visite à tante Lorraine, dont la résidence est juchée dans les montagnes. Et ma blonde qui attend l’arrivée de la cigogne. Une fourgonnette ou une familiale fera-t-elle l’affaire?