Dans les dernières années de la Deuxième Guerre mondiale, la Wermacht, l'armée allemande, menaçait de s'enrayer faute de carburant. Un à un, les fournisseurs de pétrole de l'Allemagne tombaient sous le rouleau compresseur soviétique.

Dans les dernières années de la Deuxième Guerre mondiale, la Wermacht, l'armée allemande, menaçait de s'enrayer faute de carburant. Un à un, les fournisseurs de pétrole de l'Allemagne tombaient sous le rouleau compresseur soviétique.

La solution est venue des mines de charbon de la vallée de la Ruhr, près de la frontière française. Les ingénieurs nazis ont utilisé un procédé inventé dans les années 20 pour transformer le charbon en diesel synthétique. La production de pointe a atteint 124 000 barils de diesel synthétique par jour en 1944. Le Japon a aussi produit du diesel synthétique.

Depuis, le diesel synthétique est tombé en désuétude. Après la guerre, le monde a été inondé par le pétrole à bas prix du Moyen-Orient. Seule l'Afrique du Sud, en partie à cause des sanctions contre l'apartheid, a continué à faire du diesel à partir du charbon, avec une production totale de 160 000 barils par jour.

Mais la hausse des prix du pétrole, et la violence au Moyen-Orient, ont remis le diesel synthétique au goût du jour. Des usines sont planifiées en Afrique, dans les pays du Golfe persique, et en Asie du Sud-Est. Et des projets en Alaska et dans le Grand Nord canadien commencent à être discutés. Des politiciens américains avancent que le diesel synthétique permettrait d'utiliser les vastes réserves du continent en charbon, tout en diminuant l'influence du Moyen-Orient sur l'économie américaine.

«À long terme, seule la fabrication de diesel à partir du charbon permettra d'avoir des prix stables à la pompe», explique Galen Suppes, un ingénieur chimique de l'Université du Missouri qui a travaillé à l'amélioration du procédé. «Pour le moment, il y a davantage de projets de transformation du gaz naturel en diesel, parce que ce sont des usines moins coûteuses que les usines utilisant le charbon. Un autre avantage du diesel synthétique est qu'il est plus propre, parce que les filtres des usines sont plus sensibles que ceux des voitures. Il faut donc enlever davantage d'impuretés dès le départ.»

Une analyse de l'Institut canadien de recherche sur l'énergie montrait l'an dernier que la production de diesel à partir du gaz naturel de l'île de Melville, dans l'Arctique, impliquerait des investissements de six milliards de dollars, davantage que le transport de gaz par pipeline ou sous forme liquide par voie maritime. Mais les coûts de production du diesel seraient les plus bas. Le diesel serait donc plus rentable si le cours du gaz naturel stagne à son niveau actuel, concluait le rapport.

D'autres facteurs pourraient favoriser le diesel même si le cours du gaz augmente. Un pipeline traversant le Canada du nord au sud pose des problèmes environnementaux, notamment dans la vallée de Mackenzie dans les Territoires du Nord-Ouest. Et les terminaux capables d'accueillir les cargos de gaz naturel liquéfié font face à beaucoup d'opposition des populations locales, à cause du risque d'explosion.

Le principal problème du diesel synthétique est qu'il implique une perte d'énergie d'environ 30% pendant la conversion du charbon. Les émissions de gaz à effet de serre sont aussi augmentées, parce qu'elles surviennent à la fois à l'usine et lors de la combustion dans la voiture. «Il y a beaucoup de recherches pour améliorer le procédé, dit M. Suppes. Il est également possible de réduire les pertes en produisant de l'électricité thermique en même temps que du carburant. Et si le captage sous-terrain des gaz à effet de serre tient ses promesses, les émissions seront semblables au diesel conventionnel.»

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À L'ORIGINE

Le procédé de transformation du charbon en diesel a été inventé par Franz Fischer et Hans Tropsch en 1925 à un institut de recherche sur le charbon de la Ruhr. Les chimistes Fischer et Tropsch s'appuyaient sur deux décennies de recherches allemandes sur le sujet. Il a fallu attendre le milieu des années trente, avec le réarmement de l'Allemagne, pour que les premières usines de diesel synthétique apparaissent. À noter, l'inventeur du diesel, Rudolph Diesel, avait au départ imaginé que son carburant serait produit à partir du charbon, un projet qui lui avait permis de bénéficier de l'aide financière des grands industriels de la Ruhr.